Dans l’impasse populiste

Réveil brutal pour tout le monde ce 11 avril. Parmi les Français qui ont voté, un électeur sur trois a choisi dimanche un bulletin d’extrême droite. C’est historique. 5 points de plus qu’en 2017, 12 de plus qu’en 2012… Et si l’on additionne les voix des partis qui proposaient de remettre en question les traités européens, on atteint la majorité absolue des électeurs. Au moment où le fracas des canons vient nous rappeler la chance que nous avons de vivre en démocratie, et le besoin d’encore plus d’Europe, les Français votent de plus en plus pour l’intolérance, l’autoritarisme, le rejet de l’étranger, et/ou l’enfermement national.

Certes l’agrégation ponctuelle des votes ne fait pas un mouvement. Le populisme national de Jean-Luc Mélenchon n’a rien à voir avec celui d’Eric Zemmour ou Marine Le Pen. Mais cette poussée de scepticisme européen et d’enfermement national, cette volonté de remettre en question les alliances, sont la traduction électorale de l’effondrement des partis traditionnels qui ont construit au fil des alternances la place de la France dans le Monde.

Pour eux le réveil est encore plus terrible. La droite héritière de De Gaulle, comme la gauche social-démocrate sont au tapis. C’est l’aboutissement du processus entamé en 2017 avec l’arrivée d’Emmanuel Macron, aiment à dire les analystes. Mais pas seulement! C’est aussi le prix payé par une classe politique qui s’est plus distinguée au fil des ans par la défense de ses privilèges et la protection de ses prés carrés, que par l’audace de ses propositions pour affronter les défis à venir. Qui n’a jamais su dépasser les stériles querelles de chapelles pour se mettre au niveau des défis nationaux et européens. Qui n’a cessé, d’alternance en alternance, de guerroyer stérilement, sans jamais s’élever au niveau des enjeux collectifs, préférant défaire systématiquement le tissu national pour y imprimer sa griffe.

A ce stade, il faut casser les reins à une idée reçue héritée des débuts de la Cinquième République et des traumatismes nés de la Quatrième. Non le scrutin majoritaire à deux tours n’est pas une garantie de stabilité démocratique, tout au plus d’immobilisme. La démocratie c’est la négociation, le compromis, la recherche de consensus. Pas le pouvoir absolu d’un président s’appuyant sur une assemblée de députés dévoués et soumis. L’Allemagne nous démontre à chaque scrutin que les majorités de compromis permettent de façon bien plus sûre de faire progresser durablement un pays, sans défaire sans cesse ce qui a été fait la veille.

Et maintenant? On se console chez les Républicains comme les Socialistes, en se disant que les législatives peuvent encore être gagnées. Grâce justement au scrutin majoritaire à deux tours, leur implantation forgée par des années passées dans leurs circonscriptions, souvent à grand renfort de clientélisme, devrait -espèrent-ils- leur garantir un nombre significatif de députés. Emmanuel Macron s’est dit favorable à la proportionnelle, mais n’entend pas l’imposer aux partis politiques, et de toutes façons n’aura pas le temps avant les prochaines législatives. Avec l’aide d’Edouard Philippe qui a déjà lancé une OPA sur les Républicains, et de ses appuis de gauche réunis dans deux partis réunissant d’anciens socialistes, le président espère sans doute, en cas de victoire au second tour, retrouver une majorité absolue comme en 2017. Mais même si c’était le cas, il ne ferait que s’inscrire dans la continuité d’un processus qui nourrit le vote extrémiste et donc la fracturation de la société française. Dans son intervention de dimanche soir il s’est dit «prêt à inventer quelque chose de nouveau pour rassembler les convictions et les sensibilités diverses afin de bâtir avec eux une action commune»…Faute d’instaurer au plus tôt la proportionnelle -qui imposerait effectivement de rassembler les convictions et sensibilités diverses- il lui faudra effectivement beaucoup d’inventivité pour revitaliser notre vie démocratique.

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