EELV a perdu un E !

Finalement, les Verts auront pris le PS de vitesse. Avec quelque avantage, on peut le supposer, puisqu’en matière de cuisine électorale, le premier arrivé est le premier servi. Contre une centaine de circonscriptions, les écologistes ont accepté d’adhérer au programme de Jean-Luc Mélenchon qui s’est autoproclammé futur premier ministre élu des Français. Il n’y a évidemment rien de scandaleux ou de honteux à conclure un accord de gouvernement. Ni même à à négocier les sièges de députés façon marchand de tapis. L’Union de la Gauche autour de François Mitterrand a été porteuse d’avancées sociales historiques, et les accords de désistement réciproque ont toujours permis de se répartir des sièges de députés, entre partis de gauche.

Mais le parallèle s’arrête là. Parce qu’en 1981 avec François Mitterrand, l’aventure commençait par un programme: les 110 propositions qui reprenaient une partie des éléments du programme commun de la gauche rompu en 1977, et qui, soumises au peuple français, avaient été validées par lui au suffrage universel lors de l’élection présidentielle. Dans l’accord d’aujourd’hui entre Insoumis et écologistes, en attendant PC et PS, le programme en question, celui de Jean-Luc Mélenchon, a été présenté aux électeurs il y a moins d’un mois… et rejeté par une majorité d’entre eux. Les législatives devenant ici session de rattrapage de la présidentielle.

La deuxième singularité de cet accord est la mise en scène qui l’a précédé. Avant même le second tour de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, défait au premier tour, s’était positionné comme un recours contre l’expression du suffrage universel qui allait renvoyer Emmanuel Macron à l’Elysée. “Elisez-moi premier ministre” demandait-il au corps électoral, en appelant à une union de la gauche autour de son programme, de son nom, et dans le rapport de forces issu du premier tour de la présidentielle. En clair, il disait à ses éventuels partenaires de gauche: venez à moi, sous mes conditions, ou l’histoire «vous jugera sévèrement”. Un véritable diktat à l’égard du PS, des écologistes et des communistes. Il a suffi de quelques heures aux écologistes pour avaler la pilule.

Et quelle pilule! S’ils ont obtenu que la France Insoumise accole le mot “écologiste” à la dénomination insoumise “Union Populaire”, en revanche les négociateurs d’EELV (Europe Ecologie Les Verts), ont dû accepter de laisser l’Europe au placard. Exit le fédéralisme européen, bonjour le populisme à la sauce Mélenchonienne. Bien nappé de tartufferie politicienne: l’accord précise en effet que la France n’a pas vocation à quitter l’Union européenne ou la zone euro, mais… qu’elle s’autoriserait, en cas de victoire de l’Union Populaire, à désobéir aux accords européens, “par exemple dans le domaine économique et budgétaire” précise le texte. Tout en interdisant bien sûr à la Hongrie ou à la Pologne par exemple la désobéissance aux accords concernant l’Etat de droit, et les libertés individuelles! Pas très crédible… C’est bien la marche arrière qu’enclenche EELV sur l’Europe.

C’est évidemment un virage historique pour les écologistes français. Mais il y a plus. Il y a le contexte de cet accord. La menace que fait planer Vladimir Poutine sur la paix en Europe. Le nécessaire soutien à l’Ukraine. L’indispensable cohésion avec le partenaire allemand pour faire avancer l’Union vers plus de synergie. Tous points sur lesquels les écologistes particulièrement actifs au niveau européen vont se retrouver en contradiction avec leur partenaire de la France Insoumise, dont le leader ne cache pas sa germanophobie, et sa préférence pour la recherche d’une alliance avec la Russie de Poutine. Il y a quelques dizaines de mois, au lendemain des élections européennes de 2019, Yannick Jadot, fort des 13,5% de voix d’EELV, plastronnait en annonçant l’imminente arrivée au pouvoir des Verts: “C’est maintenant notre tour!”

Il faudra attendre encore un peu, en se contentant des circonscriptions octroyées par la France Insoumise.

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