Amplificateur de contradictions

L’affaire de Trappes ne devrait pas nous surprendre. Elle est une suite logique de la mise en application de la loi sur l’interdiction de porter la burqa ou le niqab dans les lieux publics, en vigueur depuis avril 2011. Et le fait que la droite s’en empare pour dénoncer le laxisme ou l’angélisme de la gauche n’est pas plus surprenant. C’est le jeu normal de la vie politique. Commençons donc par ce point: l’attaque violente lancée par 200 personnes contre le commissariat de Trappes à la suite de l’interpellation d’un homme dans le cadre du contrôle par la police d’une personne portant un voile intégral, est-elle une démonstration, voire une conséquence du laxisme du gouvernement? Non! Assurément pas plus que la canicule ou la déroute de nos cyclistes nationaux dans le tour de France. Elle reste pour autant tout à fait inadmissible. Il n’est pas acceptable qu’un groupe armé de pierres s’en prenne à un commissariat pour empêcher l’application de la loi. C’est clair, et tout le monde devrait pouvoir s’entendre sur ce principe. Il reste à comprendre le lien qui peut exister entre une loi et un accès de violence collectif, à discerner dans les protestations indignées ce qui est du ressort de l’islamophobie, de ce qui tient du simple réflexe républicain. Difficile. La dénonciation de l’islamophobie est évidemment dans bien des cas l’excuse commode des islamistes les plus intolérants et sectaires. Ce n’est évidemment pas faire preuve d’islamophobie que de dénoncer sans relâche une tradition qui condamne les femmes au voile intégral. Pas plus qu’il n’est christianophobe de dénoncer les excès dont se rendirent coupables certains catholiques extrémistes au moment du débat sur le mariage pour tous. Pour autant, on peut constater, autant à la lecture des commentaires politiques, que de ceux du public qui fleurissent sur internet depuis deux jours, que l’affaire est en train d’alimenter les prises de position les plus intolérantes, de nourrir les discours d’exclusion. La dénonciation exaspérée et virulente du “communautarisme” musulman finit par glisser vers un rejet pur et simple de la “communauté musulmane”. La faute à ceux qui ne supportent pas que la loi française leur interdise le voile intégral! Certes, et en premier lieu. C’est d’abord les violences de vendredi soir, et ceux qui s’en sont rendus coupables, qui sont comptables de la montée du rejet de leurs dérives communautaristes. Et donc in fine de l’exacerbation de l’intolérance à leur égard. Mais cela ne nous dispense pas de pousser l’interrogation un peu plus loin. Les quelques dizaines de niqabs ou burqas que l’on pouvait alors croiser dans nos rues, valaient-elles que l’on fasse de cette question un abcès de fixation. Dans lequel se concentrent tout autant le sentiment d’injustice des uns, et donc leur rejet de la culture dominante de ce pays dans une surenchère communautariste provocatrice, que l’incompréhension et donc l’inquiétude irrationnelle des autres, face à une différence qui parait inassimilable, irréductible. La loi contre le voile intégral apparait du coup, dans la pratique, comme un cristalliseur, un amplificateur de contradictions, et donc un puissant obstacle à l’intégration de cultures différentes qui, qu’on le veuille ou non, font d’ores et déjà partie de l’ADN de la Nation. Elle pousse chaque camp à radicaliser ses positions et donc son rejet de l’autre. C’est pour l’éviter que d’autres pays, comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou la Suisse par exemple, ont fait un choix différent.

 

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