C’était hélas attendu. Egale à elle-même, l’armée massacre ceux qui s’opposent à elle dans les rues du Caire. Les islamistes les plus radicaux, ceux qui n’avaient accepté le processus démocratique que comme un mal nécessaire pour consolider la main mise religieuse sur la société égyptienne, n’en demandaient sans doute pas tant. Ils ont leurs martyrs, par dizaines. De quoi donner une nouveau souffle à leur rhétorique morbide dans laquelle la mort appelle la mort. De quoi démontrer aux plus modérés d’entre eux qu’il n’y a pas de voie praticable en terre d’Islam, pour une démocratie pluraliste, respectueuse des différences, y compris religieuses. Que le processus démocratique mène au chaos. Il fallait être fou, ou amnésique, pour imaginer que le renouveau de la toute jeune révolution égyptienne, pouvait passer par un coup d’état militaire. Pour espérer que la société égyptienne, déchirée par une année d’échecs des frères musulmans au pouvoir, allait retrouver le chemin de l’unité et de la liberté dans le sillage des chars. Le printemps arabe tourne au cauchemar au Caire, sans que l’on en voie l’issue. La désillusion est cruelle pour le peuple d’Egypte balloté de Charybde en Scylla. Comme elle est douloureuse pour celui de Tunisie, qui fait lui aussi l’apprentissage du frottement tectonique entre religion et démocratie. Le choc est brutal. Pour garder espoir, il faut se raccrocher à l’Histoire, et se souvenir comme ailleurs l’accouchement des démocraties a été également si long et difficile.