Poutine-1, Union Européenne-0 ! Ou plutôt Poutine-2, UE-0, devrait-on dire si l’on ajoute au décompte l’affaire géorgienne, soldée il y a cinq ans par une victoire éclair de Moscou, en dépit des coups de clairon victorieux d’un Nicolas Sarkozy qui se rengorgeait d’avoir fait reculer l’envahisseur russe. 20% du territoire Géorgien avait alors été annexé de fait par la Russie. Il le reste. Aujourd’hui c’est en Ukraine que Poutine vient d’enregistrer une seconde victoire -cette fois sans sortir les chars- dont on peut craindre qu’il s’agisse d’un second jalon sur la voie de la reconstitution d’un empire russe. En allant chercher un chèque à Moscou plutôt que de saisir la main que lui tendait l’Europe, Viktor Ianoukovitch le très contesté président Ukrainien, a peut-être scellé, et hypothéqué l’avenir de son pays, tout en renforçant le voisin russe. C’est évidemment très irritant pour son opposition qui penchait à l’ouest, mais aussi pour l’Union Européenne, qui avait manifesté bruyamment son énervement depuis quelques semaines face à l’impossibilité de conclure un accord d’association avec Kiev, et enfin pour les Etats-Unis qui s’étaient permis d’envoyer le meilleur ennemi d’Obama, John Mac Cain, apporter à Kiev le soutien de l’Amérique aux manifestations d’opposants au président Ukrainien !
Mais c’est ainsi. Le président Ukrainien a choisi de regarder à l’Est, et de rechercher une alliance avec la Russie qui était évidemment prête à toutes les générosités, pour récupérer l’Ukraine dans son giron, et l’empêcher de passer définitivement à l’ouest. L’enjeu stratégique est en effet essentiel pour Moscou qui craint plus que tout le scénario catastrophe d’une entrée de l’Ukraine et de la Georgie dans l’Otan -il en fut question il y a quelques années sur l’insistance de George Bush- débouchant sur l’arrivée de missiles américains à ses frontières. Et l’enjeu économique n’est pas moindre, dans la mesure où la Russie a besoin des gazoducs ukrainien pour exporter son gaz en Europe. Poutine a su employer les bons arguments, et Ianoukovitch a signé son acte d’allégeance au grand dam de l’opposition ukrainienne qui réclame son départ.
Mais pour l’instant, c’est lui le président élu. Son élection, en 2010, avait d’ailleurs été jugée conforme aux standards européens par les observateurs internationaux. Certes depuis, les élections législatives ont été beaucoup moins transparentes, Certes, il a jeté au cachot sa principale opposante, Ioulia Tymochenko, mais il reste, en attendant une prochaine élection, le pouvoir ukrainien légitime. Et il a donc raison de condamner, de concert avec Poutine, une ingérence euro-américaine dans les affaires de son pays. L’attitude de l’Union européenne est d’ailleurs surprenante par son outrance. Primo, le refus de s’allier à l’Union Européenne, certes frustrant pour les européens, n’est pas en soi condamnable, pas plus que l’allégeance à Moscou d’un pays qui a un bout d’histoire en commun avec la Russie. Deuxio, rien ne démontre la légitimité des opposants à Ianoukovitch, même s’ils sont nombreux, et si leur colère, vue d’ici, nous semble bien compréhensible. Tertio, on comprend mal l’empressement européen à intégrer, à terme, de nouveaux pays dans l’Union, alors même que la solidité et la solidarité de l’ensemble existant restent à démontrer, et que l’euroscepticisme continue de monter à l’intérieur des frontières actuelles. Sauf à vouloir simplement jouer un mauvais tour à Vladimir Poutine… et dans ce cas, c’est bien raté!