Quel talent! Il n’a même pas desserré les dents, et la France entière acclame, ou maudit, déjà son retour. Il a suffi d’une intervention d’Hortefeux, le fidèle des fidèles, et de Villepin son pire ennemi de jadis, pour déclencher la vague. Un plan de communication de professionnel! Avec l’aide, il faut bien le reconnaître, de médias d’une complaisance rare pour l’occasion. C’est LE sujet du jour, de la veille et probablement du lendemain. Il éclipse tout. C’est à peine si l’on recase les sujets préparés sur le soixante-dixième anniversaire du débarquement, en fin de JT. Il n’y a rien de plus important. Ni la situation en Ukraine où l’on continue à se battre sous l’oeil bienveillant de Moscou, ni la Syrie, où Bachar El Assad réinstalle son trône sur un monticule de cadavres, ni les lycéennes enlevées par Boko Haram pour lesquelles il est maintenant interdit de manifester au Nigéria… Ce qui compte, c’est son hypothétique de plus en plus probable retour! Au moins jusqu’au coup d’envoi de la coupe du Monde.
Et pourtant, il n’a rien dit. Juste envoyé ses obligés faire du tintamarre. Sans doute d’abord pour tester les réactions à l’UMP. Depuis qu’a éclaté l’affaire Bygmalion il n’en contrôle plus vraiment l’appareil. Or sa candidature à la présidentielle de 2017 suppose qu’une condition soit vérifiée: il devra soit contrôler l’UMP, soit l’avoir mise hors d’état de contester sa stature de sauveur suprême de la France. Et le calendrier se précipite. Le 15 juin l’UMP aura une nouvelle présidence collégiale: Fillon, Raffarin, Juppé. Ces trois là, deux d’entre eux au moins étant directement concernés, s’empresseront de graver dans le marbre les primaires pour la présidentielle. Or Sarkozy n’en veut pas. Il doit donc reprendre la main, quitte à sauter sur la présidence du parti pour annuler lui-même le projet de primaire, puisqu’il n’a plus personne pour le faire à sa place.
Il a en revanche de plus en plus d’ennemis déclarés. Tous ceux qui ne disaient rien lorsqu’il était à l’Elysée et qui osent aujourd’hui souhaiter ouvertement qu’on tourne la page. Bruno Le Maire par exemple, demande “un renouveau à la tête de l’UMP” tandis que Xavier Bertrand veut qu’on écarte de l’UMP “tous ceux qui ont eu un rôle dans la campagne de 2012”. Même des députés de base, comme le maire du Havre, Edouard Philippe, lui contestent un statut de candidat prioritaire à la présidentielle. Il sera bien difficile pour lui maintenant d’éviter une primaire à droite sans faire éclater l’UMP.
Or il a maintenant un rival sérieux dans la course à l’Elysée. Alain Juppé -qui a su faire oublier l’impopularité du premier-ministre “droit dans ses bottes” cassant et sur de lui qu’il fut- fait une percée dans les sondages et commence à menacer la suprématie de Sarkozy dans le cœur des électeurs de droite. Et là il y a sans doute un véritable danger pour ce dernier. S’il n’avait pas à craindre un Fillon -capable d’essayer de le déborder par son extrême-droite dans un moment d’égarement sectaire, ruinant ainsi son propre crédit d’homme modéré- il ne peut exclure qu’un Juppé dans la posture de l’honnête homme (malgré une condamnation dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris pour le compte de son mentor Chirac), bon gestionnaire de sa ville, modeste, tempéré, et rassembleur, lui vole la vedette chez les électeurs de droite qui en ont assez du tapage permanent, des révélations, des soupçons.
Et c’est l’autre facteur qui interfère inévitablement dans le plan de marche que s’est fixé l’ex-président: les affaires. Pour se défendre, les différentes personnes impliquées dans les affaires auxquelles il paraît lié plus ou moins directement, Bygmalion, Tapie, entre autres, pourraient finir par se défausser sur lui. On l’a vu déjà avec Jérôme Lavrilleux qui tout en assurant que l’ex-président n’était pas au courant des fausses factures entourant sa campagne, lâche: “personne n’osait dire non à Sarkozy…” Copé étant parti, l’ex et peut-être futur candidat, ne pourra sans doute pas compter outre-mesure sur les trois présidents par intérim de l’UMP, pour faire écran entre lui et la justice.
Même s’il échappe à toute poursuite, laissant en pâture à la justice quelques uns de ses plus proches collaborateurs -ce qui ne serait pas forcément un indicateur de bonne santé de notre démocratie même si d’autres l’ont fait avant lui- l’aura délétère qui entoure son quinquennat, les révélations qui se succèdent, pourraient finalement atteindre durablement son image, et lui interdire un retour, au profit d’un candidat de droite plus consensuel, moins sulfureux. Raison de plus pour lui sans doute pour partir à l’assaut baillonnette au canon. Comme avant! En s’appuyant sur les quelques généraux qui lui restent inconditionnellement fidèles. Avant qu’il soit trop tard.