La France en Stand-by ?

C’est donc la crise. Le prototype de la crise que peut générer la Cinquième République. Un Président et son Premier-Ministre ne trouvent plus de majorité au moment de faire adopter un projet de loi qui leur semble d’autant plus important, qu’y renoncer ou l’amender reviendrait à céder sous la pression. Sans entrer dans le détail des tenants et des aboutissants du projet Macron, on peut se borner à constater que les députés les plus à gauche reprochent au projet d’être un projet de droite. Tandis que l’opposition de droite et d’extrême-droite, unanime, à quelques exceptions près, refuse de voter le projet puisqu’il vient de la gauche. Bref un projet trop droitier pour être de gauche, et trop de gauche pour être validé par la droite. Le piège institutionnel absolu, qui s’est refermé sur François Hollande et Manuel Valls obligés de recourir à un article de la constitution qui permet à l’exécutif de s’affranchir du parlement.

La France en stand by?

Pas très glorieux évidement. Les députés supposés à la gauche de la gauche, parlent de coup de force, de déni de démocratie… Normal puisqu’on ne leur a pas permis de faire capoter le projet Macron. On peut en tout cas constater que le gouvernement a recours à un dispositif, certes prévu par la constitution, mais que la gauche a toujours été prompte à qualifier d’anti-démocratique lorsque l’adversaire l’utilisait, et vice-versa. Mais ce recours à l’article 49.3 en dit surtout long sur le désarroi du pouvoir. Sur l’impasse dans laquelle se trouve le président.

François Hollande n’a manifestement plus les moyens de mettre en œuvre la politique qu’il estime la meilleure pour le pays, celle qui peut selon lui assurer une relance de l’économie sans faire déraper les déficits publics. Une politique de modernisation de l’économie matinée de rigueur, qui n’aura probablement plus jamais l’aval d’une partie des députés socialistes, et écologistes. Donc qui sera dorénavant inapplicable, puisque la droite ne consentira jamais à voter les mesures proposées, même lorsqu’elle en pourrait en approuver le fond, et que le 49.3 est une arme à un coup. Le système parait donc gelé jusqu’aux prochaines élections générales. Prévues pour 2017… D’ici là, on ne réformera plus, on mettra la France en stand-by, au moment où la grave crise que nous traversons, dont le taux de chômage est la première manifestation, exigerait une action hardie et immédiate.

Le “syndrome Syriza”

A moins que la motion de censure présentée par l’opposition ne soit votée par le parlement, ce qui paraît improbable. On sait déjà qu’elle sera votée par la droite unanime, et l’extrême-droite, ce qui est normal puisque l’une et l’autre ont intérêt à faire chuter le gouvernement, mais aussi par le Front de gauche, et ce point mérite qu’on s’y arrête. En votant la motion de censure avec la droite et l’extrême droite, le Front de Gauche, est en rupture par rapport à sa propre culture. Traditionnellement le Parti Communiste ne mêle pas ses voix à celles de la droite, il ne s’est associé que deux fois à des motions de censure a l’époque où Rocard était Premier ministre. En fait le Front de Gauche est frappé par le “syndrome Syriza”. Un raisonnement simple, voire simpliste, qui conduit à penser qu’une forte austérité, en précipitant la population d’un pays dans la misère, doit conduire à l’émergence d’un vote puissant de révolte en faveur de l’extrême-gauche. Comme en Grèce et en Espagne. En France, pour l’instant cela ne prend pas. Il faut donc plus d’austérité, donc un retour de la droite au pouvoir, pour que l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon, qui se voit déjà lui-même en Tsipras français, connaisse enfin son heure de gloire. C’est ainsi que le Front de gauche en vient à choisir la politique du pire, du point de vue de la gauche, et mise sur le retour de la droite. Et tant pis si le durcissement social, sur lequel semble compter Mélenchon, pénalise les plus humbles… en attendant son jour de gloire. Une stratégie qui semble oublier un élément: en France le premier catalyseur de la révolte populaire s’appelle pour l’instant Front National.

Le vote des amis de Mélenchon en faveur de la motion de censure ne devrait pas suffire à renverser le gouvernement. Et donc à renvoyer les députés devant les urnes. Ecologistes et socialistes frondeurs n’y auraient aucun intérêt, puisqu’ils retourneraient devant les électeurs probablement sans le soutien du PS, et seraient selon toute vraisemblance laminés dans un scrutin dont le grand vainqueur serait probablement une fois de plus Marine Le Pen. Ils ne voteront donc pas la censure.

Retour aux urnes?

In fine, le choix va revenir à François Hollande. François Bayrou lui suggère de dissoudre l’Assemblée après avoir mis en place une part de proportionnelle. Ce n’est pas si idiot. La crise actuelle démontre que nous avons atteint les limites d’une politique de blocs, se traduisant par l’alternance régulière, et le refus total de la part de chacun des deux camps de coopérer avec l’adversaire. Ce qui se traduit par une perte importante de temps et d’énergie pour la France, chaque majorité commençant par défaire tout ce qu’a fait la précédente… Seule la mise en place d’une dose significative de proportionnelle permettrait d’en sortir. De conduire à l’apparition de majorités nouvelles rassemblant des élus modérés de gauche de droite ou du centre autour d’un programme de réformes, comme c’est le cas dans d’autres pays, en Allemagne par exemple. La fin de la dualité UMP-PS pourrait même bien se traduire par un recul du Front National, marginalisé dans son extrémisme, par une alliance des démocrates modérés.

Mais François Hollande peut aussi choisir de ne rien changer. De simplement renoncer à toutes les réformes qui pourraient braquer la gauche du PS et les écologistes. Bref se contenter d’expédier les affaires courantes, en tenant son rôle préféré de chef de guerre anti-terroriste, pendant deux ans… En attendant la prochaine alternance.

 

 

 

Ni peur, Ni honte !

Le candidat socialiste l’a certes emporté, mais le résultat de la législative du Doubs résonne comme un coup de tonnerre dans le paysage politique. Et personne n’est épargné.

Le Parti Socialiste d’abord. Qui réalise que même lorsque le tocsin sonne il ne parvient pas à rassembler l’ensemble des électeurs qui votaient hier encore à gauche. L’abstention de ce week-end dans le Doubs, c’est d’abord celle des électeurs de Moscovici en 2012. Plus de 19000 voix pour ce dernier au premier tour. Frédéric Barbier rassemble à peine 15500 voix au second tour, malgré la menace du Front National, malgré l’appel au Front Républicain, malgré l’appel à l’abstention de l’UMP, et sans doute grâce au soutien apporté par le candidat de droite défait au premier tour, et à l’appel d’Alain Juppé ou Nathalie Kosciusko-Morizet à voter en sa faveur pour barrer la route au FN. C’est une victoire qui a le goût de l’échec. On savait le PS en difficultés dans son électorat en raison de l’incompréhension d’une partie de la gauche face à la politique du gouvernement. On a compris hier que sa crédibilité résiduelle ne lui permet même plus de mobiliser l’ensemble de ses troupes contre le Front National.

Evidemment l’UMP en prend aussi pour son grade. Voir son candidat éliminé au premier tour, malgré le discrédit socialiste, n’est pas glorieux. Les élections départementales, pour lesquelles un ras de marée semblait promis au parti de Nicolas Sarkozy, pourraient donc être plus difficiles que prévu. Mais, il y a plus. La progression de la candidate FN entre les deux tours, traduit, lorsqu’on analyse les chiffres, un report significatif en sa faveur des électeurs UMP du premier tour. La consigne officielle du Ni-Ni, c’est à dire l’appel à l’abstention, n’a pas été suivie par la majorité des électeurs de droite.

La forme qu’a pris la mobilisation à droite -le psychodrame de Vaugirard- l’explique sans doute en partie. La valse hésitation, les prises de position contradictoires, l’absence de Nicolas Sarkozy, trop occupé au lendemain du premier tour par une conférence exotique et lucrative, la mise en minorité président de l’UMP par son bureau politique… ont sans doute pesé bien lourd. Lorsque les cadors du parti sont incapables de définir rapidement, et de façon consensuelle une ligne claire, les électeurs peuvent estimer qu’elle ne s’applique pas. En l’occurence la façon dont la consigne d’abstention avait été acquise était  si peu convaincante, que chacun pouvait se sentir tout à fait libre… y compris de voter pour la candidate du Front National.

Et c’est bien le plus inquiétant, mais là encore, les dirigeants de l’UMP ne peuvent pas jouer les étonnés. Depuis 2007, à la faveur d’un engouement pour un soi-disant “parler vrai”, d’une lutte contre la supposée “pensée unique”, l’affreux “droit-de-l’hommisme”, la “bien-pensance” de gauche, le “politiquement correct”… l’UMP, Nicolas Sarkozy en tête, a entrepris, méthodiquement, de banaliser la vulgate de l’Extrême-droite. La formule consacrée, employée à l’origine par Fabius, et reprise depuis sur tous les plateaux par les orateurs de droite était: le Front-National pose les bonnes questions mais apporte de mauvaises réponses. Bonne question, l’inégalité entre les races? Bonne question, la menace des immigrés? Bonne question, le laxisme des juges? Bonne question, le droit à la santé des étrangers? … A force de reprendre à son compte ces thématiques qui traditionnellement étaient le fond de commerce du Front National, l’UMP a fait plus encore que Marine Le Pen pour dédiaboliser le vote d’extrême-droite. Et lorsque l’on dit 2007, il faut se souvenir que l’apogée de cette politique de banalisation des idées du Front National a connu son apogée, sous la houlette du conseiller très spécial Patrick Buisson, en 2012, pendant la campagne du second tour de Nicolas Sarkozy, c’est à dire hier…

Alors, pour le “Ni-Ni”, c’est un peu tard! Les électeurs UMP n’ont plus de raison d’avoir Ni peur, Ni honte, de mettre un bulletin FN dans l’urne. La stratégie Buisson consistait à récupérer les électeurs du Front National au profit de Nicolas Sarkozy, son résultat est inverse: il a légitimé le vote FN des électeurs de l’UMP. Chapeau l’artiste!

 

Sortir l’Europe de la logique de guerre

Vivement mercredi! On devrait finalement savoir mercredi si la médiation de la dernière chance engagée par François Hollande et Angela Merkel a abouti. L’espoir est permis, même si la cause est incertaine. L’enjeu est en tout cas immense. Car comme le précisait le président dans sa conférence de presse, en Ukraine, c’est la guerre! Une guerre totale, où l’on tue les civils, on bombarde même les hôpitaux. Et au stade où en sont les choses, il n’est plus temps de se demander qui a plus raison que l’autre.

Certes le pouvoir de Kiev est parfaitement légitime, malgré la présence déplorable de quelques néo-nazis dans ses rangs. Légitime, comme l’était celui de Ianoukovich, le précédent président, élu de façon démocratique par les Ukrainiens, avant d’être chassé du pouvoir par les manifestations de rue avec la bénédiction des leaders européens, désireux, pour quelque raison obscure, de s’attacher à tout prix au pied le boulet de l’économie ukrainienne, jusqu’alors sous perfusion de la Russie. On se souvient du défilé de soutien américano-européen aux manifestants de Kiev réclamant leur rattachement à l’Europe, alors même que le pouvoir pro-russe tombait sous leurs coups de boutoir. Depuis il y a eu de nouvelles élections qui ont permis aux Ukrainiens, du moins ceux qui ne vivent pas dans l’est du pays, russophone, de choisir leurs dirigeants. Ceux-ci sont donc dans leur droit lorsqu’ils repoussent les assauts des rebelles de l’est soutenus par Poutine que l’on peut soupçonner de vouloir contrôler le Donbass comme il s’est emparé de la Crimée.

L’annexion de la Crimée était déjà inadmissible, même si personne n’aurait dû imaginer que la Russie renoncerait à sa base navale de Crimée, alors même que le nouveau pouvoir ukrainien proclamait sa volonté de rejoindre l’OTAN. De même les livraisons d’armes lourdes aux dissidents de l’est russophone ukrainien -dont celles qui ont servi à abattre un avion civil malaisien- et le soutien logistique et humain qui leur est accordé, sont inacceptables sur le plan du droit international et de la morale.

Les sanctions économiques occidentales étaient donc parfaitement justifiées, mais elles n’ont pas fait mollir Poutine. On les a donc aggravées. Et on se prépare à en rajouter une couche, dans une escalade punitive dont personne ne connaît l’issue. L’escalade est verbale aussi, lorsqu’Obama retrouve les accents de la guerre froide, et examine maintenant l’hypothèse de livraisons d’armes à Kiev, que Moscou prendrait sans doute comme une déclaration de guerre… Tout se passe comme si les occidentaux n’avaient eu jusqu’ici qu’une stratégie en Ukraine: pousser Poutine dans une impasse, pour voir jusqu’où il peut aller.

C’est la spirale que tentent d’enrayer Hollande et Merkel depuis 48 heures. Dans sa conférence de presse le président français a donné le ton en précisant qu’il n’était pas question de livrer des armes à l’Ukraine, et qu’il s’opposerait à une intégration de l’Ukraine à l’Otan. Cette position de principe est évidemment le préalable à toute résolution du conflit, et elle aurait dû être prise bien avant. Laisser penser aux dirigeants russes qu’ils pourraient un jour voir s’installer des missiles de l’Otan à leurs frontières, était évidemment le plus sur moyen d’attiser le feu ukrainien. De même aurait-on pu et sans doute dû, être plus clair sur les relations entre l’Union Européenne et l’Ukraine. Personne, à part peut-être le commissaire européen à l’élargissement, ne croit à la vocation de l’Ukraine à rejoindre l’UE. Autant le dire clairement!

Evidemment, nos deux dirigeants auront bien du mal à mettre tout le monde d’accord. Il y a déjà eu tellement de morts, plusieurs milliers de civils. De violations du droit de la guerre. De cessez le feu non respectés… Les sanctions, conjuguées à l’effondrement du prix du pétrole, ont déjà sévèrement mis à mal l’économie russe. A la tribune de l’ONU, Obama a placé le péril russe, il y a quelques mois, au niveau de dangerosité d’Ebola et Daech. Le rétropédalage va être douloureux pour tout le monde.

Mais, dira-t-on, le principe même d’une médiation de la dernière chance, c’est qu’elle est un peu désespérée. Il est très tard, mais peut-être pas trop tard, pour trouver une solution pour aider les Ukrainiens russophones et europhiles à vivre ensemble… Et sortir une nouvelle fois l’Europe de la logique de guerre.

Le talent du tailleur

François Hollande a changé! C’est d’abord lui qui le dit, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Mais pas que lui. L’ensemble des éditorialistes de la presse quotidienne, si prompts habituellement à “basher” le Hollande, sont du même avis. Avec les mêmes mots ou presque: Hollande a, enfin!, endossé “le costume de président”.

C’est quoi un costume de président? Personne ne le définit vraiment, mais c’est quelque chose qui doit sans doute réaliser la synthèse entre l’habit d’apparat de monarque, les vêtements bien ajustés du père sévère toujours tiré à quatre épingles, la chemise un peu grande du grand-frère bienveillant, un peu de l’habit de lin blanc du gourou, mais sans plus… par ces temps, on évitera la Jellabah.  Je rigole… Le costume de président, c’est surtout un ton, un verbe, des mots. Et d’abord un pronom. Le “Je”. De préférence au “Nous” qui fait un peu socialiste. Au “Il” ou “Ils” qui doit être réservé aux campagnes électorales quand il s’agit de dire le plus de mal possible des adversaires. Quand on a le “costume” on n’a plus besoin de parler des autres. Au “Vous”, qui renvoie le peuple à sa distance du pouvoir, on préfèrera La France, ou les Français, la République, voire la Nation, qui sont inclusifs, et mettent tout le monde dans le même bateau. Et sont propice à l’emphase. La “Nation” ou la “République” se prêtent bien aux envolées lyriques. Car le ton doit être un peu solennel, mais pas trop. Sur de lui et plutôt dominateur. Donneur de leçon, mais avec indulgence. Surtout, éviter les vannes qui rappellent trop Flamby. Ne pas parler évidemment de sa vie privée, ça c’était bon pour l’ancien Hollande, le président “normal”. Le nouveau, il a le “costume”. Alors, il parle surtout des choses qui dépassent les Français, c’est à dire la politique internationale, la grandeur de la France… C’est important, ça montre qu’il est enfin différent de nous tous. Et quand, en plus, il nous annonce qu’il va passer son vendredi, presque un week-end!, avec Angela Merkel, alors là, vraiment il fait la pointure. Déjà presque un genre d'”hyperprésident”, comme l’autre, celui qui est tombé du piédestal, et flotte maintenant dans son costume de président de parti.

A quoi ça tient finalement la popularité du patron, et la pertinence de l’analyse politique… Au talent du tailleur!

Sarkozy au régime diesel

Le patron a perdu la main. Nicolas Sarkozy ne tient plus ses troupes. Non seulement il n’arrive pas à obtenir dans son parti une discipline de parole, chacun y allant de sa prise de position publique dans un désordre complet, mais en plus, il n’arrive plus à imposer ses choix. Et pas sur un sujet anodin. Qu’un grand parti politique comme l’UMP en vienne à appeler ses électeurs à bouder les urnes, à un moment où l’abstention menace, d’élection en élection, de ravager notre système démocratique, est consternant. Nicolas Sarkozy n’en voulait pas. Il souhaitait appeler les électeurs à faire barrage au Front National, tout en les laissant choisir entre l’abstention ou le vote pour le candidat PS. Il n’a pas convaincu, C’est la ligne défendue par les barons les plus droitiers. Wauquiez, Copé, Bertrand ou Chatel, qui l’a emporté, celle du NI-Ni, qui renvoie dos à dos PS et FN, ennemis indifférenciés.

La position de Sarkozy était pourtant la meilleure possible, pour son parti, comme pour lui-même. D’abord parce qu’en appelant à faire échec au FN, l’UMP aurait évité de briser le climat d’unité nationale contre l’extrémisme qui a prévalu ces derniers temps, et que les Français apprécient. En outre, en laissant le choix entre abstention et vote PS, le parti de droite montrait son respect des électeurs, tout en évitant le piège du front républicain, tendu par la gauche, et dont on sait qu’il permet aux lepénistes de nourrir leur dénonciation obsessionnelle des ravages de ‘l’UMPS”, et qu’il est rejeté par une majorité d’électeurs de droite. Non sans raison d’ailleurs. Nos hommes politiques, UMP comme PS, ont démontré une conception de l’alternance qui doit tellement plus à l’esprit de revanche et à l’obstruction systématique qu’à l’idéal républicain… Chacun passant son temps à tirer à boulets rouges sur les initiatives de l’autre camp, et à défaire, lorsqu’il est au pouvoir, tout ce qu’ont tricoté les prédécesseurs quand ils y étaient… Du coup, lorsque les uns ou les autres appellent leurs électeurs à voter pour l’adversaire habituel parce qu’un candidat lepéniste est sur le point de lui ravir une circonscription, ils ne sont donc guère audibles.

La deuxième raison pour laquelle la proposition Sarkozy était la meilleure, pour l’ex-président, tient au choix de son rival Alain Juppé. En annonçant dès lundi soir qu'”à titre personnel” il aurait voté PS s’il avait été un électeur du Doubs, le maire de Bordeaux avait mis la pression sur le président de l’UMP. Fidèle à l’image qu’il donne de lui depuis des mois, Juppé se positionnait ainsi comme le plus républicain, le plus intransigeant avec l’extrême droite, celui qui n’admet aucun compromis sur les “valeurs” dont il entend être porteur. En prenant les devants, il cherchait à anticiper sur un refus probable de Nicolas Sarkozy d’appeler à faire barrage au Front National. L’affaire lui permettait donc de tirer son épingle du jeu en consolidant sa stature de potentiel futur chef de l’Etat, face à l’ex-président, renvoyé une fois de plus à son ambiguité vis à vis de l’extrême-droite. Sarkozy pouvait déjouer ce piège, en se posant lui-même en rempart contre le Front National, et envoyer son rival dans les cordes… si le bureau politique de l’UMP l’avait suivi.

Mais il ne l’a pas suivi. Et du coup le bilan de l’affaire pour l’ex-président de la République est assez désastreux. Primo, il a perdu la première élection partielle se déroulant sous sa présidence de l’UMP, alors que toutes les précédentes, depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir, avaient été gagnées par la droite. Certes, ce n’est pas lui qui avait désigné le candidat de l’UMP, mais il ne peut pas pour autant s’en dédouaner. Deuxio, il a permis à Alain Juppé de marquer encore des points dans la perspective de la primaire qui devrait les opposer. Tertio, il a été mis en minorité dans son parti pour le premier vote politique important depuis qu’il a repris en main les affaires de la droite, donnant raison à ses rivaux qui disent que son logiciel est périmé. On est bien loin du retour triomphal, dont il rêvait, de la vague irrésistible qui devait le ramener au pouvoir. C’est plutôt la version diesel de la course à l’Elysée.

Un seul point positif: il n’aura pas à se déplacer entre les deux tours dans le Doubs. Et ça, c’est bon pour les comptes de l’UMP!