Le candidat socialiste l’a certes emporté, mais le résultat de la législative du Doubs résonne comme un coup de tonnerre dans le paysage politique. Et personne n’est épargné.
Le Parti Socialiste d’abord. Qui réalise que même lorsque le tocsin sonne il ne parvient pas à rassembler l’ensemble des électeurs qui votaient hier encore à gauche. L’abstention de ce week-end dans le Doubs, c’est d’abord celle des électeurs de Moscovici en 2012. Plus de 19000 voix pour ce dernier au premier tour. Frédéric Barbier rassemble à peine 15500 voix au second tour, malgré la menace du Front National, malgré l’appel au Front Républicain, malgré l’appel à l’abstention de l’UMP, et sans doute grâce au soutien apporté par le candidat de droite défait au premier tour, et à l’appel d’Alain Juppé ou Nathalie Kosciusko-Morizet à voter en sa faveur pour barrer la route au FN. C’est une victoire qui a le goût de l’échec. On savait le PS en difficultés dans son électorat en raison de l’incompréhension d’une partie de la gauche face à la politique du gouvernement. On a compris hier que sa crédibilité résiduelle ne lui permet même plus de mobiliser l’ensemble de ses troupes contre le Front National.
Evidemment l’UMP en prend aussi pour son grade. Voir son candidat éliminé au premier tour, malgré le discrédit socialiste, n’est pas glorieux. Les élections départementales, pour lesquelles un ras de marée semblait promis au parti de Nicolas Sarkozy, pourraient donc être plus difficiles que prévu. Mais, il y a plus. La progression de la candidate FN entre les deux tours, traduit, lorsqu’on analyse les chiffres, un report significatif en sa faveur des électeurs UMP du premier tour. La consigne officielle du Ni-Ni, c’est à dire l’appel à l’abstention, n’a pas été suivie par la majorité des électeurs de droite.
La forme qu’a pris la mobilisation à droite -le psychodrame de Vaugirard- l’explique sans doute en partie. La valse hésitation, les prises de position contradictoires, l’absence de Nicolas Sarkozy, trop occupé au lendemain du premier tour par une conférence exotique et lucrative, la mise en minorité président de l’UMP par son bureau politique… ont sans doute pesé bien lourd. Lorsque les cadors du parti sont incapables de définir rapidement, et de façon consensuelle une ligne claire, les électeurs peuvent estimer qu’elle ne s’applique pas. En l’occurence la façon dont la consigne d’abstention avait été acquise était si peu convaincante, que chacun pouvait se sentir tout à fait libre… y compris de voter pour la candidate du Front National.
Et c’est bien le plus inquiétant, mais là encore, les dirigeants de l’UMP ne peuvent pas jouer les étonnés. Depuis 2007, à la faveur d’un engouement pour un soi-disant “parler vrai”, d’une lutte contre la supposée “pensée unique”, l’affreux “droit-de-l’hommisme”, la “bien-pensance” de gauche, le “politiquement correct”… l’UMP, Nicolas Sarkozy en tête, a entrepris, méthodiquement, de banaliser la vulgate de l’Extrême-droite. La formule consacrée, employée à l’origine par Fabius, et reprise depuis sur tous les plateaux par les orateurs de droite était: le Front-National pose les bonnes questions mais apporte de mauvaises réponses. Bonne question, l’inégalité entre les races? Bonne question, la menace des immigrés? Bonne question, le laxisme des juges? Bonne question, le droit à la santé des étrangers? … A force de reprendre à son compte ces thématiques qui traditionnellement étaient le fond de commerce du Front National, l’UMP a fait plus encore que Marine Le Pen pour dédiaboliser le vote d’extrême-droite. Et lorsque l’on dit 2007, il faut se souvenir que l’apogée de cette politique de banalisation des idées du Front National a connu son apogée, sous la houlette du conseiller très spécial Patrick Buisson, en 2012, pendant la campagne du second tour de Nicolas Sarkozy, c’est à dire hier…
Alors, pour le “Ni-Ni”, c’est un peu tard! Les électeurs UMP n’ont plus de raison d’avoir Ni peur, Ni honte, de mettre un bulletin FN dans l’urne. La stratégie Buisson consistait à récupérer les électeurs du Front National au profit de Nicolas Sarkozy, son résultat est inverse: il a légitimé le vote FN des électeurs de l’UMP. Chapeau l’artiste!