Contre le tripartisme, la proportionnelle.

Donc tous les analystes le confirment, nous sommes entrés dans l’ère du tripartisme. Ca veut dire quoi? Que dorénavant dans toutes les élections locales comme nationales les trois partis principaux UMP, FN et PS se partageront l’essentiel des voix des électeurs. Qu’avec le scrutin majoritaire à deux tours, le FN sera régulièrement en situation d’arbitre entre gauche et droite et qu’il l’emportera parfois. Et cela nous mène où?

Au delà des dégâts sociaux, culturels et humains, propres à l’exercice du pouvoir local par des élus du Front National, tel qu’on a déjà pu les constater dans les communes qu’ils administrent, probablement cela nous mène-t-il à une impasse institutionnelle. Notre système politique, ou plus exactement notre culture politique, ne mettons pas sur le dos du système ce qui est principalement du ressort de nos hommes politiques, est fondé sur l’alternance binaire. D’un côté la droite, de l’autre la gauche. Leurs programmes sont forcément contradictoires et incompatibles, blanc ou noir, juste ou injuste, progressiste ou rétrograde… A tel point que tout ce que fait l’un, l’autre s’empresse de le défaire dès qu’il en a le pouvoir. Sans rougir de paradoxes et contradictions.

Deux exemples. La loi Macron, approuvée plus ou moins publiquement, par bien des élus de droite, mais rejetée officiellement par l’UMP, contraignant le gouvernement à passer en force. Ou encore l’attribution de bourses d’études aux bacheliers défavorisés ayant obtenu la mention très bien, décidée sous Sarkozy, puis défaite par le PS à peine arrivé aux affaires au nom de “l’égalité”, et enfin rétablie. Heureusement la position la plus stupide ne l’emporte pas à tous les coups!

Anecdotique, mais révélateur d’un fonctionnement aberrant et typiquement français, dans lequel vérité et mensonge campent forcément d’un côté ou l’autre du Rubicon idéologique qui sépare la droite de la gauche. Et pendant ce temps, le monde continue à tourner, mais de moins en moins, hélas, autour de notre nombril politique. Nos guerres intestines n’intéressent que nous. La logique européenne, ou la mondialisation, pèsent beaucoup plus lourd sur nos vies, donnant toujours plus le sentiment aux électeurs que leurs représentants sont à côté de la plaque, et mènent des combats stériles et virtuels.

L’installation dans le tripartisme va forcément changer les choses. A force de se glisser entre les deux autres blocs, d’arbitrer leurs duels, de compliquer dans les assemblées locales l’alternance traditionnelle, l’extrême droite va de plus en plus se trouver au centre de la vie politique, comme elle l’a déjà focalisée ces derniers mois. Et là, l’attitude proposée par l’UMP avec son Ni-Ni, en forme d’acte de foi dans le caractère immuable de notre système binaire est d’une grande perversité. En traitant le PS et le FN sur un pied d’égalité, c’est à dire en refusant toute alliance avec l’ennemi principal d’hier, la droite modérée accentue l’image d’impuissance des politiques, incapables de s’entendre même lorsque les valeurs fondamentales de la République sont en jeu. Et donc renforce le nouvel ennemi commun, le FN, qui est lui le vrai champion du Ni-Ni, c’est à dire du “tous pourris”.

Comment en sortir? Evidemment en changeant ce système fondé sur le bipartisme obtus. En instaurant le scrutin proportionnel aux élections, c’est possible par référendum. Cela conduira nos trois partis principaux probablement dans une proportion à peu près égale au parlement, mais permettra aussi à tous ceux qui ne se retrouvent ni dans le FN ni dans le bipartisme d’hier, d’y être représenté et d’y faire entendre leur son de cloche.

Pour gouverner – sauf à voir la droite s’allier au FN, ce qui pour le coup aurait le mérite de clarifier les choses pour de bon – les réformateurs de chaque camp devront s’entendre sur un programme commun de gouvernement. Qui s’avérera sans doute plus fécond pour le pays, que le “faire et défaire” qui prime aujourd’hui. Parions que débarrassés de la pesanteur du sectarisme partisan, des élus de droite, du centre et de gauche pourraient, sans renier leurs convictions intimes, trouver un terrain d’entente pour remettre le pays en mouvement, en réduisant les inégalités et la dette, et en replaçant le respect de l’environnement au cœur des préoccupations. Lorsque Angela Merkel accepte de créer un salaire minimum, pour obtenir le soutien des socio-démocrates allemands, personne ne lui reproche de se renier…

Et le “vrai” changement alors? Et la lutte contre la finance? Et l’écologisme à tout prix? La proportionnelle permettra à leurs disciples de trouver une tribune, et d’influer sur les décisions, au même titre que les autres. Comme ceux qui veulent aujourd’hui le retrait de la France de l’Europe, ou le retour au protectionnisme, économique, ethnique, religieux et moral. Le débat démocratique n’y perdrait sans doute pas en qualité, y gagnerait peut-être en sérénité. Et nous retrouverions le sentiment que l’horizon politique peut aller au delà de la prochaine alternance.

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