Où est passé le moteur de l’Europe?

Nous y voilà. Le face à face entre la Grèce et ses créanciers a conduit tout le monde au fond de l’impasse. Et c’est assez logique.

Le FMI, principal concerné par la dette immédiate de la Grèce, était là pour obtenir son remboursement. C’est une règle, le Fonds exige toujours le remboursement. Il voulait aussi démontrer qu’il n’y a pas d’alternative à ses recommandations, il y va de sa crédibilité mondiale, du moins ce qu’il en reste. La Commission européenne avait elle-même pour premier objectif sa propre crédibilité. Si les conditions fixées par Bruxelles à la Grèce pour lui accorder l’aide européenne, avant l’arrivée de Tsipras, devenaient caduques lorsqu’elle changeait d’interlocuteur, elle était évidemment discréditée, et avait peu de chance que ses directives à venir aient grande écoute. Ils avaient donc les uns et les autres pour premier objectif de faire plier Tsipras.

En face, le nouveau gouvernement grec estimait avoir un mandat. Celui de ne pas accepter un renforcement de l’austérité dans son pays. Fraichement élu, il pouvait difficilement accepter une proposition des créanciers qui soit à l’opposé du programme électoral qui vient de le conduire aux affaires. Il pouvait faire des concessions, accepter des compromis, à condition, lui aussi, de quitter la négociation la tête haute, avec le sentiment d’avoir respecté ses engagements vis à vis de ses électeurs, en refusant ce qui pourrait apparaître aux yeux du peuple grec, comme une humiliation.

Les uns et les autres se sont parlés. Qui a fait le plus de chemin vers l’autre? Chaque camp a évidemment son avis. Comme dans toute négociation avortée chacun estimera que l’autre n’a pas été sincère. Mais les objectifs et contraintes des uns et des autres étaient trop éloignés pour qu’un compromis technique et financier les rapproche. Il ne pouvait y avoir de compromis financier entre la Grèce et ses créanciers. L’issue ne pouvait résider dans un point de plus ou de moins de TVA, ou un mois de plus ou de moins de retraite anticipée… La seule issue était et reste forcément politique, et on ne fait pas de politique avec son banquier.

C’est avec ses pairs qu’Alexis Tsipras devait trouver une issue à la crise. Avec ces chefs d’Etat qui ont donné le sentiment de se défiler depuis le début des discussions. Et François Hollande en premier lieu, sur lequel les Grecs comptaient pour faciliter un accord et qui s’est défaussé sur Christine Lagarde et Pierre Moscovici… Il était attendu sur ce dossier, comme Angela Merkel. Il appartenait, comme toujours, au couple franco-allemand de redonner un sens, des perspectives, une ambition, à une construction européenne chahutée, minée, déchirée, par la crise de la dette, comme celle des migrants. Mais l’un et l’autre étaient aux abonnés absents.

Nous y sommes donc. Sauf miracle de dernière minute, la Grèce sera en cessation de paiement dans quelques jours. Tsipras ne peut signer un compromis qu’il considère comme humiliant, et contraire à ses promesses, sans un vote de son électorat. Retourner devant le peuple n’est évidemment pas condamnable dans une démocratie, mais les créanciers n’en ont cure. Ils voient dans ce recours au référendum une simple manœuvre pour se soustraire à leurs exigences, et n’accorderont donc aucun délai financier pour une consultation qui semble jouée d’avance… Ils n’ont pas tort non plus: il est rare que les électeurs valident par avance les sacrifices qu’on s’apprête à leur demander.

Si l’on y va, si l’Europe ne trouve pas les ressources pour un sursaut de dernière minute, alors, les créanciers auront perdu leur argent, mais auront sauvé la face! Le gouvernement grec aura résisté à l’humiliation, mais poussé un peu plus sans doute son pays dans le gouffre! Le peuple grec aura bien sûr tout perdu!

Quant à Hollande et Merkel, réfugiés dans leurs tours d’ivoire, ils auront prouvé que l’axe franco-allemand, le soi-disant moteur de l’Europe, a rendu l’âme. Qu’ils ont eux-mêmes perdu leur âme européenne, pour déléguer leurs ambitions politiques aux comptables.

 

 

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