Quelle étrange République! Fondée sur l’indépendance des pouvoirs, mais qui ne supporte pas leurs manifestations d’indépendance. Hollande et son gouvernement en font l’amère expérience. Ils ont voulu l’indépendance de la justice? La transparence de la vie politique? Elle se sont retournées contre eux. Et c’est Cahuzac qui se retrouve au tribunal, fort logiquement, quand Balkany peut continuer à se pavaner sur les bancs de l’assemblée, et Nicolas Sarkozy à préparer un retour à l’Elysée.
François Hollande avait promis de ne pas être un chef de parti? De ne pas convoquer les députés pour les réprimander, de respecter les droits du parlement, bref d’en finir avec les “majorités-godillots”? Il le paye au prix fort. Les institutions ne fonctionnent bien que quand la majorité parlementaire obéit au doigt et à l’œil à l’exécutif. L’article 49-3 étant l’indicateur des dysfonctionnements. Evidemment que son usage est une atteinte aux droits du parlement, comme réprimande aujourd’hui Martine Aubry, avec le courage de ceux qui sortent toujours du bois après la bataille! Bien sûr, c’est un aveu de faiblesse d’un exécutif qui n’a pas su convaincre. Et lorsque des députés de son propre parti tentent, en vain, de déposer une motion de censure contre “leur” gouvernement… le Président paraît plus seul que jamais.
Les Français adorent les monarques, mais à condition qu’ils en aient tous les atours. Que “le costume” soit à leur taille, comme on dit. Bref, qu’ils fassent régner l’ordre dans les rangs. Tout le contraire d’Hollande! Il voulait désacraliser la fonction présidentielle, être un président “normal”. Mais les Français veulent un président qui règne. Il voulait réhabiliter la négociation sociale et le dialogue, loin des coups de menton et de l’arrogance de son prédécesseur. Mais quatre ans après c’est la culture de l’affrontement qui l’emporte. Le parti communiste, ou ce qu’il en reste, retrouve ses accents révolutionnaires. Les jeunes, dont Hollande avait fait la priorité de son quinquennat, sont dans la rue, et se soucient peu des mesures, sans précédent, prises en leur faveur… comme ils le scandent dans les cortèges, ils sont là pour se battre contre la police et l’ordre qu’elle représente. Bref, sa majorité est divisée, la droite est contre lui, la gauche de la gauche aussi, les écologistes également, la rue est contre lui, la jeunesse, les syndicats aussi, le patronat, qui n’en a jamais assez également, mais aussi les “intellectuels” et ces faiseurs d’opinion que sont devenus les animateurs-télé…
Le quinquennat ira probablement toutefois à son terme. La loi travail ne sera peut-être jamais appliquée, ou seulement partiellement. Déjà les candidats de droite, certains de la victoire, promettent d’en faire beaucoup plus qu’Hollande pour “sécuriser” les entreprises, et pourchasser les vrais “fraudeurs”… c’est à dire les “assistés” en tout genre! Fin d’un quinquennat parenthèse? Ou porte ouverte sur un grand changement politique? Celui dont Hollande a sans doute pressenti la nécessité, sans avoir le courage ou la détermination pour le mettre en œuvre.
Hollande a joué petit bras. Il prétendait rénover la vie politique, mais n’a pas osé toucher aux institutions. C’est quand il en avait les moyens, c’est à dire au début de son quinquennat qu’il fallait pousser les feux. Aller beaucoup plus loin sur le non-cumul des mandats. Introduire une dose significative de proportionnelle aux législatives. Créer les conditions d’une expression démocratique alternative, et complémentaire, à la seule voix des partis politiques. Aller au bout de la transparence, en interdisant l’accès aux fonctions politiques à toute personne sous le coup d’une enquête judiciaire. Supprimer l’immunité présidentielle. Donner leur indépendance aux magistrats du parquet… Il y avait beaucoup mieux à faire que de tenter d’introduire en fin de mandat une réforme du conseil supérieur de la magistrature dans un projet de réforme constitutionnelle stupide, dangereux et inutile, sur la déchéance de nationalité. Il y avait également mieux à faire sur l’indispensable refonte du code du travail qu’une loi mal négociée, mal expliquée, à quelques mois de la fin du quinquennat. Après le catastrophique quinquennat Sarkozy, Hollande aurait pu être le président de la refondation de la vie démocratique, du dialogue social… Il risque de ne laisser à l’histoire que le souvenir d’un président ayant battu tous les records d’impopularité, et envoyé plus de CRS dans les rues que tous ses prédécesseurs depuis 1968.
Maintenant que seule la peur de perdre leur mandat semble retenir les frondeurs de casser définitivement la baraque, sa marge de manœuvre est de plus en plus infime. Il est probablement déjà trop tard. Ce qui n’a pas été fait avant ne le sera probablement pas d’ici un an, et c’est dommage. Le quinquennat de François Hollande aura au moins eu le mérite de démontrer une bonne fois le caractère définitivement obsolète des institutions de la 5ème république, qu’il croyait pouvoir revitaliser. Ce n’est évidemment pas non plus de son éventuel successeur de droite, quel qu’il soit, qu’il faudra attendre le grand chambardement nécessaire.
Aucune solution en vue pour se sortir de cette ornière. Les institutions ou les hommes ? Les deux ? On va nous refaire le coup de l’homme providentiel mais on n’a plus rien en stock. Ce pays est ingouvernable ?
Et si le simple, mais non simpliste, esprit civique était appliqué par les “responsables” politiques. N’importe quel citoyen se sent responsable pour venir en aide à une personne qui tombe dans la rue. Que cette attitude fasse loi quand on est politique et venir aider la France à se relever quand on sait qu’elle va si mal. Que faut-il encore attendre de pire entre la montée du front natinal et de tous les nationalismes et les attentats pour que le chant du partisan ne soit pas étouffé par les chants des sirènes partisanes.