C’est la faute à Hollande!

Osons une tautologie: quand on met des oeillères, on évite de regarder ailleurs. A écouter ou lire certains commentateurs, on peut penser qu’ils ont remplacé leurs lunettes de vue par des oeillères, et cela ne facilite pas forcément le décodage de la vie politique du moment. L’élimination de Cécile Duflot au premier tour de la primaire écologiste, leur fournit un excellent terrain d’exercice.

Cecile Duflot est en rupture avec le pouvoir socialiste depuis l’arrivée de Manuel Valls à Matignon. Elle a provoqué une énième scission du mouvement écologiste en s’alignant depuis sur l’extrême gauche de Mélenchon, avant de s’en distancier, ambitions personnelles obligent. Elle n’a eu de cesse d’attaquer Hollande et sa politique depuis le jour où elle a quitté le gouvernement sur un “désaccord politique majeur”.

Et puis, Cecile Duflot a été sanctionnée par les écologistes… c’est donc, nous disent bien des analystes, qu’elle paye son passage au gouvernement… En clair, c’est -encore- la faute à Hollande! CQFD! D’ailleurs l’imprécateur Mélenchon ne cesse de l’affirmer: tous ceux qui se seront mouillés de près ou de loin dans le quinquennat sont maudits et seront sévèrement punis, frappés par la foudre populaire…

Pourtant, si l’on voulait deux minutes penser que la vie politique, et la réflexion des électeurs ou militants, ne sont pas exclusivement focalisées sur la “trahison” et “l’incompétence” de François Hollande -que chaque analyste politique se sent tenu de poser en postulat de départ de toute démonstration, l’alpha et l’omega de l’analyse politique en somme- il y aurait quand même autre chose à dire. Par exemple que le mouvement écologiste en France est passé à côté d’un rendez-vous historique, et que cela peut, en partir au moins, expliquer l’échec de sa leader aujourd’hui.

En refusant la proposition de François Hollande de prendre un grand ministère de l’écologie pour conduire la transition énergétique et préparer le sommet du climat de Paris, parce qu’elle ne pouvait pas supporter de voir Manuel Valls à Matignon, Cécile Duflot a interdit à son parti d’entrer de plain pied dans l’histoire. En se trouvant, à la place de Ségolène Royal, à la tribune de la Cop 21, elle aurait enfin permis d’ouvrir aux verts une voie comparable à celle des Grünen allemands. Elle aurait prouvé que la vocation principale des verts n’était pas de donner des leçons de morale sur tous les sujets mais bien d’impulser une évolution de la politique de leur pays vers un plus grand respect de l’environnement. Un positionnement “gestionnaire” du mouvement écologiste, une prise de responsabilité dans la mise en œuvre de la transition énergétique, lui auraient permis de trouver une place durable dans la vie politique française, place que le choix systématique de la marginalité ne peut lui offrir.

D’ailleurs si l’on regarde le profil de ceux qui l’ont battue dans cette primaire, on constate que l’un comme l’autre sont des écologistes pragmatiques. Tous deux ont un passé de combat concret, quotidien, pour faire progresser la défense de l’environnement. Yannick Jadot à la direction de Greenpeace, Michèle Rivasi à la tête de la Criirad, qui a longtemps donné des insomnies aux promoteurs du nucléaire en traquant les dangers de leur activité. Tous deux sont investis dans les travaux du parlement européen. Bref ils sont à l’opposé de l’ex-patronne des écolos.

La principale raison de l’échec de Cécile Duflot, c’est probablement elle-même, ses tergiversations, son refus des concessions, son voyage incessant de “zig en zag” pour reprendre la formule de son allié d’un moment, Jean-Luc Mélenchon, et en même temps son incapacité à mettre en avant la dimension environnementale dans son action, par exemple, au ministère du logement, où l’on se souviendra plus de ses initiatives à caractère social, certainement nécessaires, renforcement de la loi SRU imposant aux communes de construire des logements sociaux, plafonnement des loyers dans certaines zones, que de ses initiatives en faveur de la transformation écologique de l’habitat.

Mais c’est ainsi en 2016: c’est tellement plus simple de dire… c’est la faute à Hollande!

 

 

 

Sombre semaine…

Il est des semaines, comme celle qui vient de s’écouler, où l’on cherche désespérément un coin de ciel bleu, une bouffée d’oxygène, un brin d’espérance!

Ca avait commencé par un droit de veto à l’ONU. Celui de la Russie contre la résolution française demandant un cessez-le-feu à Alep, pour permettre au organisations humanitaires de sauver quelques enfants des bombardements aveugles d’Assad et de son ami et protecteur Poutine. Et comme s’il ne suffisait pas de voir en boucle les images atroces de ces civils martyrisés, il fallait en plus supporter Mélenchon parlant, avec le ton méprisant qu’il maîtrise si bien, de “bavardages” à propos de l’évocation de crimes de guerre en Syrie. Celui-ci a décidément définitivement basculé de l’autre côté du décor. Dans un sombre univers, ou le calcul politique et la tactique électorale, l’emportent sur toute autre considération.

Puis il y a eu le débat pour la primaire de la droite. Et il a fallu pendant de longues minutes assister à la bataille de chiffres entre sept postulants à la direction du pays, se renvoyant à qui peut mieux, leurs projets d’austérité. Moi j’élimine 300 000 fontionnaires disait l’un, tandis que l’autre en promettait 600 000. Ici on comptait les emplois aidés dans le total… là on retranchait en revanche l’embauche de 50 000 fonctionnaires de police gendarmerie et justice… Un point sur lequel ils étaient tous d’accord: il suffit de faire travailler ceux qui restent plus longtemps pour maintenir un niveau suffisant de service public… Affligeant! Comme le projet de suppression de l’aide médicale d’Etat, ou la volonté affichée, quoique irréalisable, d’enfermer les suspects de radicalisation… Aussi affligeant que l’échange polémique sur le point de savoir s’il était plus grave d’être mis en examen, comme l’un, ou alors d’avoir été condamné pour “prise illégale d’intérêts”, comme l’autre… C’est ainsi que l’on se prépare à la direction du pays dans le camp à qui les sondages promettent depuis de longs mois déjà la prochaine présidence de la République! A croire que le meilleur projet pour la France doit être celui qui élimine le maximum de fonctionnaires, diminue le plus les charges des entreprises et les impôts des classes moyennes, tout en démantelant l’Etat de droit.

La fin de semaine était placée sous le signe de la défense de la famille. Avec le retour dans les rues de La Manif Pour Tous, dénonçant pêle-mêle, les lois déjà en vigueur -le mariage pour tous- celles, hypothétiques, qui hantent leurs cauchemars -à propos de gestation pour autrui par exemple- ou encore les manœuvres éhontées de l’Education nationale de Najat Vallaud-Belkacem qui tente de transformer nos garçons en filles… Une manif d’arrière-garde, soutenue par une partie de la droite, et en particulier par le candidat à la présidentielle, François Fillon, qui semblait regretter de ne pas avoir pu participer à cette manifestation publique d’obscurantisme.

Et pour finir dans la lumière on apprenait la nuit dernière qu’un imbécile avait incendié le centre d’accueil des sans-abris dont l’ouverture prochaine est prévue dans le 16ème arrondissement. Comme un écho au refus des migrants du maire de Béziers le ténébreux Robert Ménard et sa campagne “Ca y est ils arrivent…” A Paris comme à Béziers le message est le même: on veut rester entre nous! Et le scandaleux maire de Béziers continue à être l’invité des plateaux de télévision où il avait pu la semaine précédente vomir toute sa haine des autres face au candidat Nicolas Sarkozy.

Et pendant ce temps là… Pendant ce temps là, le vrai président, lui… bavarde avec les journalistes! Et leur dit n’importe quoi, ou du moins tout ce qui lui passe par la tête. C’est bien d’être un président normal, mais cela n’oblige pas à se conduire comme un imbécile. Et à se mettre en situation, comme président de la République, de présenter ses excuses à des magistrats qu’on a injuriés dans une “confidence”… et qui par ailleurs reconnaissent que la séparation des pouvoirs n’a jamais été aussi scrupuleusement respectée. Cela s’appelle tirer contre son propre camp! Même les footballeurs, à qui Hollande suggère dans le même recueil de confidences de “muscler leur cerveau”, ne le font pas volontairement.

Comment expliquer cette pulsion auto-destructrice du président? Les 600 pages de confidences, résultat de 60 rencontres avec les auteurs depuis le début de son mandat -excusez du peu- ont été publiées le jour même où il tentait de lancer la campagne pour son renouvellement, avec une grande interview au Nouvel Observateur sous le titre: “je suis prêt”! Autant dire que sa déclaration politique est passée totalement inaperçue éclipsée par les petites phrases assassines dont les médias sont si friands. Au point que ses plus proches ne se demandent pas aujourd’hui s’il est “prêt”, mais s’il a vraiment l’intention d’y aller.

C’est la confirmation douloureuse de la semaine: qu’on le détienne ou qu’on le brigue, le pouvoir nuit au discernement!

 

L’épreuve de Sarkozy

Pour Nicolas Sarkozy, c’est la mère de toutes les batailles. S’il n’a jamais cessé d’aller au combat, n’étant jamais meilleur -disent ses hagiographes et ils sont nombreux- que lorsqu’il est attaqué, la bagarre qui s’annonce, si l’on en croit les instituts des sondages, pourrait être son combat le plus difficile et le plus cruel. Et le conduire à accepter le désaveu des siens.

Lui qui a toujours affiché une morgue méprisante à l’égard de l’ensemble de ses collaborateurs et colistiers, pourrait bien avoir à subir une défaite cuisante dans la confrontation avec l’un d’entre eux. Lui qui s’est toujours considéré comme le meilleur d’entre tous, le seul capable d’affronter la gauche et le Front National, de conduire la droite, d’incarner l’avenir de la France et du Monde, risque d’avoir à s’incliner face à un cheval de retour, un vieillard adoubé il y a 20 ans par un ancien président aujourd’hui déclinant pour qui il n’a que mépris et qu’il sut trahir en son temps. Lui, dont Ingrid Bétancourt disait avec une naïveté confinant à l’imbécillité, que ses geôliers colombiens des Farc tremblaient à l’évocation de ce seul nom, Sarkozy, tremble lui-même aujourd’hui devant quelqu’un qu’il considérait comme fini.

Quelle épreuve en perspective ! S’être relevé d’un échec cuisant contre Hollande en 2012, être revenu de si loin, avoir repris l’UMP, l’avoir transformé en « les Républicains » pour faire oublier les turpitudes qu’évoquait le sigle précédent, avoir bravé les juges qui le pourchassaient, défié l’entendement républicain, en prétendant concourir pour la présidence alors qu’il est mis en examen pour financement illégal de campagne électorale… et connaître l’échec face à Alain Juppé !

Heureusement pour lui, les sondages ont souvent tort, et les membres de son entourage le répètent à l’envi depuis que les instituts ont placé Juppé largement devant lui au premier tour de la primaire. Mais tout de même, aussi aveuglé soit-il par sa propre image, il doit bien sentir que la dynamique actuelle est contraire à ses ambitions, à un mois de l’échéance.

Pour éviter cet instant fatidique, ont peut imaginer qu’ils fera feu de tout bois dans les jours qui restent. Sur le terrain des idées d’abord. On le voit meeting après meeting, il a décidé de se positionner comme le candidat du peuple contre les élites que représenterait Alain Juppé. Pour cela il en est réduit à faire les fonds de tiroir du populisme : on mettra les musulmans suspects de penchants pour l’intégrisme en prison, on demandera leurs papiers aux malades avant d’accepter de les soigner, on enfermera les lycéens chahuteurs dans des internats dédiés, les jeunes chômeurs dans des casernes…

Mais tout cela pourrait ne pas suffire tant sa candidature à la présidence paraît mal en point. Alors comme tout malade saisi par le déni, la tentation de briser le thermomètre va monter quand va s’approcher l’échéance. Briser le thermomètre, c’est contester par avance la validité d’un vote qui lui serait défavorable. Lui et ses proches ont commencé à laisser entendre que si Juppé gagnait ce serait parce que les gens de gauche lui auraient apporté leur voix de façon malhonnête. Comprendre : une primaire de la droite dont le résultat serait fait par les gens de gauche, soucieux d’écarter Sarkozy de la course, n’aurait aucune valeur… On imagine sans peine le tribun défendre ce point de vue, pas illogique en soi, devant les caméras de télévision…

Pour faire fi du résultat, et se présenter contre Juppé au premier tour de la présidentielle ? Sans doute suicidaire ! Pour tenter de faire invalider la primaire, ou d’en modifier les règles par avance ? Juppé a lui même prévenu qu’en cas de manœuvre déloyale il ne tiendrait pas compte du résultat…

Le plus grand combat pour Nicolas Sarkozy se joue sans doute ces jours-ci. Accepter de jouer le jeu d’une primaire qui semble déjà avoir désigné son vainqueur et qui le contraindrait à renoncer, cette fois-ci pour de bon, à la politique ? Prendre sur lui, et rentrer dans le rang, en cédant la place à plus vieux que lui?

Quelle épreuve !