Ce fut une magnifique primaire, tous les observateurs vous le diront. Un grand moment de démocratie! Même les perdants de l’élection y vont de leur satisfecit ébloui. Décidément le peuple de France est formidable. Enfin le peuple de droite et du centre de France… Et de gauche, un peu, il faut le dire!
Résumons nous: un échantillon non représentatif de 4 millions d’électeurs de droite, du centre, et de gauche (ces derniers étaient 10 à 15% parait-il, si l’on choisit de faire encore un peu confiance aux instituts de sondage qui ont interrogé les participants et qui se trompent si souvent), a choisi hier deux candidats dignes de se disputer la représentation de la droite au premier tour de l’élection présidentielle. Au passage, ils ont sauté sur l’occasion pour écarter, définitivement en principe, Nicolas Sarkozy de la vie politique française. Perdant résigné, celui-ci n’a pas tenté de contester cette élimination. Quelques uns de ses soutiens ne s’en sont eux pas privés, soulignant que si effectivement 600000 électeurs de gauche avaient participé à l’élection pour éliminer leur champion, le jeu était complètement faussé.
Ce n’est pas faux. Si l’on prend pour argent comptant cette estimation de 15% d’électeurs de gauche, cela représente 600000 voix. Si l’on suppose qu’elles se sont portées à moitié sur chacun des deux candidats arrivés en tête, et qu’on les neutralise, Fillon reste en tête, mais Sarkozy talonne Juppé à quelques milliers de voix près. Si l’on suppose en revanche que les électeurs de gauche ont tous voté pour Juppé, conformément aux appels lancés sur les réseaux sociaux depuis plusieurs semaines… alors sans eux, il n’y aurait pas eu de second tour, puisque Fillon aurait eu la majorité absolue.
Quoi qu’il en soit, au delà des hypothèses, le résultat est là: il y aura un second tour qui opposera Juppé à Fillon. Et depuis hier matin la question du vote de gauche est reposée sur les réseaux sociaux. Après avoir fait perdre Sarkozy, ne pourrait-on pas aider la droite à choisir son candidat pour le second tour? Le programme de Fillon est tellement à droite… si l’on pouvait donner un coup de pouce à Juppé… Pour 2 euros cela vaut le coup! Oui mais attention, on pourrait aussi à l’inverse favoriser la désignation du très droitier Fillon pour faciliter le travail de la gauche à la présidentielle… Ou encore pour gêner plus Marine Le Pen en cas de présence du candidat de droite au second tour… La tactique politicienne n’est pas une affaire simple à portée de l’électeur lambda!
Au final cela donne quoi?
La primaire ouverte est un grand malentendu démocratique. Un malentendu qui permet de redonner un coup de vernis démocratique à des partis politiques de plus en plus contestés parce qu’ils monopolisent l’exercice démocratique, et le vouent à leur propre perénnisation. Mais qui ne rime à rien!
S’il s’agit de désigner le candidat d’un parti, alors, que les partis l’assument, choisissent eux-mêmes en leur sein, en prenant l’avis de leurs militants, c’est leur droit le plus strict. Mais si les pré-candidatures sont soumises à l’ensemble des électeurs, lors de primaires ouvertes, alors c’est une perversion du système électoral, qui revient à organiser un tour préliminaire de l’élection présidentielle. C’est au premier tour de l’élection présidentielle que les électeurs doivent départager les candidats! Les primaires ouvertes faussent le jeu démocratique, dans l’intérêt des appareils de partis, largement démonétisés, qui prolongent ainsi leur main-mise sur l’exercice démocratique en reconduisant les mêmes. Renvoyant les candidats qui refusent de s’y soumettre à la marginalité, prémâchant le choix des électeurs. Elles conduisent à cette situation absurde ou l’électeur peut être conduit régulièrement à voter pour un candidat dont il ne partage pas les idées, pour éviter qu’un autre ait la possibilité de se présenter à une véritable élection démocratique…
Bref, la primaire ouverte, c’est vraiment une élection à 2 balles!
Dans tous les cas, ca fait deux euros dans la poche du meme parti.
Démocratie payante, bonjour.