Le plan S de Fillon

Et Fillon repart à l’assaut. Renforcé par son pari gagnant du Trocadero. Débarrassé de l’ombre d’Alain Juppé, qui lui a même accordé son parrainage désabusé, il est maintenant seul en piste, il n’y a plus de plan B. Plus qu’un plan S. comme Sarkozy.

Il y avait déjà quelques semaines que l’on sentait bien que l’ex-président reprenait les choses en main. Il y avait eu la visite de Fillon à son mentor, et les petites confidences de Sarkozy à ce propos: “Il est complètement paumé… il m’a harcelé de questions sur ce qu’il devait faire, c’est tout juste s’il ne prenait pas des notes…” aurait-il alors raconté à ses proches selon le Canard Enchaîné. Ensuite il y a eu la période plan J comme Juppé. Répondant à la pression des cadres LR qui ne croyaient plus en Fillon, Sarkozy semblait se résoudre à lâcher ce dernier pour ouvrir la porte au maire de Bordeaux… Mais l’illusion n’a duré qu’un temps. En fait, si l’on en croit Alain Juppé lui-même, cité par le Canard Enchaîné, “Sarkozy a tenté de nous manipuler en cherchant à contrôler le parti et à caser Baroin”.

Vrai ou faux? En tout cas, depuis le renoncement de Juppé, Sarkozy s’occupe ouvertement de la campagne de Fillon. A sa façon!

Au lendemain du Trocadero quelle était la situation de Fillon au regard de l’élection? Il avait deux défis devant lui. En premier lieu, faire oublier  les soupçons de malhonnêteté pesant sur lui. Ensuite, reconquérir les plus modérés de son électorat que ses diverses déclarations contre la justice et la presse, appuyées sur sa conviction qu’il était victime d’un complot voire d’un “coup d’Etat”, avaient éloigné de sa campagne. Sur le premier point c’est déjà Sarkozy qui lui avait fourni sa solution: ne pas se soucier de l’agitation judiciaire et “saturer l’espace médiatique”, lui avait-il dit lors de leur entretien. Alors il en a rajouté pour “saturer”: proposition de majorité pénale à 16 ans… éloge de la “rébellion contre le système” dans ses meetings… Et pour s’assurer d’une résonance maximale il s’est appuyé pour l’organisation de ses meetings, en commençant par celui du Trocadero, sur “Sens Commun” le mouvement ultra-conservateur issu de la Manif pour tous! Au point de décourager même ses plus proches. Et surtout de dégrader encore son image auprès de son électorat le plus modéré.

Et c’est en effet le second, et sans doute le principal enjeu de ses dernières semaines de campagne. Pour devenir président de la République, il devra d’abord être présent au second tour, et donc faire mieux que Macron au premier. Et cela clairement se jouera sur sa capacité à reconquérir, juppéistes et centristes qui se sont éloignés de lui, et pour certains ont déjà rejoint le camp Macron, qui poursuit son OPA sur le centre droit, dont il a besoin lui-même pour l’emporter. D’autant qu’il lui faudra, s’il est présent au second tour, provoquer un réflexe républicain dans l’électorat modéré et celui de la gauche, pour l’emporter éventuellement face à Marine Le pen. En clair, pour le premier comme le second tour l’enjeu premier est pour lui la (re)conquête d’un électorat modéré qui s’est éloigné au fil de ses excès.

Et c’est là que l’expérience de son nouveau conseiller Sarkozy va jouer à plein. Contraint par les départ des juppéistes et lemairistes à recomposer son équipe de campagne, et soucieux de sanctionner “les traitres”, Fillon confie la maîtrise politique et organisationnelle de sa campagne à trois personnalités de premier plan: François Baroin l’homme que Sarkozy aurait bien vu à la place de François Fillon, Luc Chatel qui est un adversaire farouche du front républicain dont aura besoin le candidat de droite s’il accède au second tour, et enfin Christian Jacob le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée. Trois membres de la garde rapprochée sarkoziste, qui encerclaient déjà Fillon lors de son meeting au Trocadero. Trois personnalités qui ne font pas vraiment l’unanimité chez les amis d’Alain Juppé et les centristes. Un contresens absolu! Alors que Fillon a besoin de se relancer dans le dernier virage de la campagne, serrer à droite est le meilleur moyen d’enliser sa candidature à un niveau qui ne lui permettra pas d’être au second tour.

Fillon et Sarkozy sont persuadés de savoir y faire avec les centristes. On promet quelques cadeaux et c’est emballé! Avec l’UDI, cela a toujours marché du temps de Sarkozy, et apparemment cela marche aussi pour Fillon. Du moins avec les responsables du mouvement centriste. Après avoir lâché Fillon pour des raisons de principe, Lagarde et les siens ont eu tôt fait de revenir au bercail en échange de quelques circonscriptions. Mais ce nouveau reniement des cadres de l’UDI, ne suffira probablement pas à ramener vers Fillon leurs électeurs potentiels rebutés par le climat judiciaire, et les élans populistes de  celui-ci.

Bref, le plan S de Fillon ressemble à une garantie d’échec. Comme si l’ex président n’avait pas vraiment envie de voir son ex-premier ministre réussir là où il échoua lui-même à deux reprises, en 2012 et 2016.

 

 

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