Faut-il une majorité absolue pour Emmanuel Macron? La démocratie sera-t-elle en danger s’il l’obtient, comme le martèlent tous ses opposants du Front National à Mélenchon? En fait la question n’est pas originale. Elle est posée à chaque élection législative ou presque. Et en particulier depuis que Lionel Jospin a eu cette idée de faire suivre chaque présidentielle d’un renouvellement du parlement.
Dès lors qu’elle vient de perdre l’élection présidentielle, et donc la bataille du programme, l’opposition, tous bords confondus, ne peut plus plaider qu’une cause: il faut éviter de donner au gagnant les pleins pouvoirs. Et c’est jusqu’ici toujours vain. Les électeurs qui viennent de se choisir un président ont plutôt envie de lui donner les moyens de gouverner. Et comme le mode de scrutin amplifie considérablement les mouvements d’opinion, le président fraichement élu, a toutes les chances de trouver une majorité absolue à l’assemblée, comme ce fut le cas pour Sarkozy ou Hollande pour ne citer que les deux derniers présidents.
C’est une faiblesse importante de notre système électoral, qui ne favorise évidemment pas la vie démocratique. Mais pas non plus, paradoxalement, l’action réformatrice.
Disposant d’une majorité absolue à l’assemblée, le président et son premier ministre peuvent gouverner sans partage. A condition bien sûr que leur majorité soit solide. Hollande et Valls ont démontré que la majorité absolue reste toute relative dès lors qu’on ne parvient plus à fédérer son camp. Mais si la majorité est bien tenue, elle doit permettre de mettre en œuvre toutes les réformes figurant au programme présidentiel, sans tenir compte des minorités souvent peu ou pas représentées au parlement. Et il y a là effectivement un risque de dérive autoritaire du pouvoir, les représentants d’une minorité de l’opinion, confortés par le mode de scrutin législatif, confondant majorité parlementaire et majorité d’opinion. Lorsque les représentants du Front de Gauche ou du Parti Socialiste font valoir que le programme de Macron n’a pas bénéficié d’une majorité absolue dans l’électorat au premier tour de la présidentielle, ils ont raison. On pourra juste leur faire remarquer que c’est encore plus vrai des idées dont ils étaient porteurs.
Mais ce risque d’une mise en œuvre autoritaire d’un programme est-il le bon argument pour faire obstacle à l’émergence d’une majorité absolue au parlement? Ce n’est pas certain! La présidentielle permet de se prononcer sur un projet. Aux législatives, il s’agit plutôt de décider si le pays sera demain gouvernable ou pas. Autrement dit, l’enjeu du scrutin d’aujourd’hui est: veut-on d’un président impuissant, par crainte d’une dérive autoritaire de celui-ci? La réponse est probablement dans la question.
Pourtant, la majorité absolue peut aussi être un obstacle à la mise en œuvre des réformes. Lorsqu’il n’y a pas d’examens contradictoire, de véritable négociation au niveau politique, toutes les oppositions peuvent se fédérer dans la rue. On l’a vu avec l’usage du 49-3 par Manuel Valls, la contestation de rue est d’autant plus légitime et importante que les citoyens ont le sentiment que les projets ne sont pas négociés, mais sont imposés par le pouvoir. Le risque pour un gouvernement profitant d’une majorité absolue à l’assemblée pour imposer ses vues, est donc de se voir paralysé par la contestation de la rue.
La réforme utile passe forcément par la capacité de créer du consensus. Pas de mettre tout le monde d’accord, mais de fédérer autour d’un projet une masse critique d’opinion capable de le porter, de contrebalancer les oppositions inévitables, et de garantir une pérennité de la réforme. Pour cela il faut négocier, en tenant compte de la contradiction. Avec la société civile, mais aussi avec les autres forces politiques. Or notre système électoral fabrique de l’hégémonie. Temporaire, souvent limitée à un mandat, mais de l’hégémonie tout de même.
La première des réformes à entreprendre, au delà de la nécessaire transparence de la vie politique, est donc d’assurer une représentation nationale équilibrée et diverse, où chaque courant de l’opinion soit représenté à sa mesure. Pour que l’Assemblée Nationale devienne le lieu du dialogue, de la négociation et de l’amendement des projets. Pour des réformes partagées, pour des consensus de progrès, autour de projets fédérant dans l’intérêt du pays des opinions diverses, pour assurer la pérennité de l’action publique. Il est urgent de changer de mode de scrutin.
Je suis plutôt d’accord avec vous ! Mais les proportionnelles “en France” ont montré par le passé que les discours, loin d’être constructif, était surtout affaire de démagogies, d’affairismes et de blocages ! On est passé à un scrutin majoritaire car on fait partie des pays les moins aptes à avoir une discussion constructive !
La construction d’une solution passe par des compromis, par un examen de ses propres idées, par la mise en confrontation des autres, en évitant toute posture agressive , ad-hominem et trop confiante en ses propres idées!
J’ai aimé le programme de Mélenchon ! Je trouve que le FN ne dit pas que des conneries ! Oui, mais parler avec des militant FI et FN est généralement une gageure (je sais, je ne suis pas fière de ma généralisation car j’ai discuté avec des gens très bien de ces milieux) !
Même en faisant preuve de patiente, de pédagogie, de concessions sur leur idées… pour beaucoup , impossible de boucher un seul cheveux de leur posture ! Pire ! Loin d’être éclairé, beaucoup de ces discours sont facilement caricaturaux au possible! Les hommes politiques l’ont bien compris et en abusent (exemple encore récemment ici : http://www.huffingtonpost.fr/gerard-filoche/macron-et-sa-majorite-preparent-la-plus-terrible-attaque-contre_a_22137311/?utm_hp_ref=fr-emmanuel-macron )
Dans ce cas de figure, je n’image pas une seule seconde un gouvernement capable de faire des choses avec une assemblé pareille ! Comme vous le dites si bien, même avec une majorité, les socialistes ont été incapable de créer un consensus dans leur rang ! Et dans ce cas, en déformant un peu Churchill, la moins “pire des solutions”, c’est bien le scrutin majoritaire.
Quand les français seront capables de réellement “construire” quelque chose par le discours (comme c’est le cas dans les pays nordiques), il sera temps d’y repenser, mais pas aujourd’hui. Pas maintenant.
Alors la faute à qui si on est incapable d’être constructif? C’est historique, c’est culturel, c’est linguistique (les deux étant très lié : https://www.cairn.info/revue-ela-2001-3-page-341.htm ). Ce qui est sûr – car j’ai travaillé dans des boites multinationales qui utilisent des manuels permettant d’adapter sa méthode de travail à chaque pays – c’est que c’est reconnu par tout nos amis étrangers . Raleurs, contestataire , imperméable à l’argumentaire logique, sensible aux arguments émotifs, à besoin de quelqu’un qui tranche.
J’ai bien une explication sur le rôle de l’éducation nationale (tout les échecs sont vus comme des tares alors que dans les autres pays, ils sont vu comme des moyens de rebondir – aux US, ne pas avoir connu d’échec et ne pas le mettre sur un CV est synonyme de paresse car comme on le dit pourtant si bien en France, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ….Alors qu’en France, on considère le redoublement comme quelque chose à interdire, apprenant ainsi à nos enfant que le moindre échec est irrémédiable et une honte personnel, et les formatant à essayer d’avoir “tout le temps” raison).
Mais je digresse, je digresse. Actuellement, beaucoup de parties proposait une 6 ème républiques et leurs représentants étaient candidats dans les circonscriptions. Il était tout à fait possible de les élire. A l’inverse, beaucoup de militants LREM sont nouveaux, sans habitudes d’appareillages de partie, issue de sensibilités différentes (du pur écolo, à des sensibilités bien droitières). Mais ils se sont souvent inscrit pour avoir un poids sur l’assemblée, et rester constructif sur ce qui va être fait (ne pas attendre cinq ans, pour paraphraser M Orphelin). C’est peut être ce qui se rapproche le plus d’une proportionnelle jusqu’à maintenant, ce qui expliquerait pourquoi ils ont raflé tant de voix alors même qu’ils sont tout nouveaux !
NB : J’ai lu quelques autres billets de votre blog, et je partage pratiquement tout vos points de vue (notamment sur l’absence de campagne des législatives et l’attitude dommageable des autres parties plus attentistes au pseudo-remous de l’affaire Ferrand, ou aux dérapages de mélenchon, qu’à un vrais discours sur le fond). Merci donc pour ces billet très interessant
N’aimant pas trop l’unanimisme, je n’étais pas partisan d’une assemblée unicolore, néanmoins, il me semble que si LR avait reçu la leçon qu’ils méritaient, ils auraient été plus enclins à voter l’introduction d’une part de proportionnelle dans les législatives, part qu’ils ont eux mêmes supprimée après 86.
Je partage l’avis de K. Leray sur l’inaptitude des français à instaurer une discussion constructive et à faire vivre un compromis, comme dirait KL “il faut quelqu’un qui tranche, (un héritage de la révolution? avec et sans jeu de mots), c’est difficile aussi dans l’entreprise, toute décision n’allant pas dans le sens d’une personne ou d’un groupe étant immédiatement reportée en mode affectif à la caliméro “de toutes façons, on ne m’aime pas”… I