Jérusalem: toujours plus de sang et de larmes!

Donald Trump a encore sévi. Et c’est plus grave que jamais. En décidant de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, avant toute négociation, et en décidant d’y déplacer l’ambassade de son pays dans un délai rapide, il vient de commettre une multiple faute capitale. Primo, sa décision est contraire à la légalité internationale. La définition du statut futur de Jérusalem occupée par les israéliens, doit résulter d’une négociation entre les parties, conformément aux résolutions de l’ONU. Si les Etats-Unis n’ont jamais rien fait pour faire appliquer par Israël les résolutions de l’ONU, en particulier celles qui concernent l’arrêt de la colonisation, c’est la première fois qu’ils en prennent ainsi ouvertement le contre-pied.

Deuxio, et c’est le plus grave, cette décision fait peser une lourde menace sur la paix dans une région déjà déchirée. Pour les Palestiniens, Trump vient de nier de façon définitive leur droit à un état dont la capitale serait Jérusalem-Est. De fait le président américain, reconnait les droits des israéliens sur la partie occupée de la ville, encore habitée majoritairement par les arabes en dépit de la colonisation sauvage promue et encouragée par le gouvernement israélien. Il enterre ainsi ce qu’il restait d’espoir de reprise d’un processus de paix. Il encourage ainsi tous ceux qui du côté palestinien plaident pour une guerre sans fin contre Israël. Il donne grain à moudre, s’ils en avaient besoin, à tous les terroristes de la région. Et en particulier aux extrémistes du Hamas, et à leur “brigades” militaires. Mais aussi à Daesh qui tente depuis de longs mois de s’implanter dans la bande de Gaza.

A cet égard, le moment choisi par Trump pour faire son annonce , qui coïncide avec une tentative d’unification des palestiniens tombe très mal, ou très bien, selon que l’on retient l’hypothèse de la maladresse ou celle du choix délibéré? D’après l’accord signé il y a deux mois sous l’égide des Egyptiens, le Hamas doit céder le pouvoir dans la bande de Gaza au Fatah de Mahmoud Abbas, et rendre à l’kautorité palestinienne le contrôle de la frontière. Pour peu que les nombreux problèmes demeurant soient réglés rapidement, en particulier celui du devenir des “Brigades Al Qassam” du Hamas, responsables de la plupart des opérations terroristes en Israël, on irait vers un rapprochement qui permettrait à l’Autorité Palestinienne de présenter un interlocuteur unique et représentant l’ensemble de la population dans les négociations de paix à venir. Un pas essentiel et indispensable pour aboutir à la paix. Un pas qui ne fait pas l’affaire du gouvernement extrémiste de Benjamin Netanyahu qui a besoin de la dualité entre les deux factions rivales palestinienne, comme une justification pour se tenir à l’écart du processus de paix, et poursuivre la colonisation méthodique des territoires palestiniens occupés. Sa joie d’aujourd’hui à l’annonce de l’administration américaine ne laissait aucun doute sur le fait que ce soit aussi, et d’abord, sa victoire.

Par son revirement historique, Trump condamne probablement pour longtemps le très hypothétique désarmement du Hamas, dont l’accord entre Hamas et Fatah esquissait la perspective.  Et donc une reprise de négociations entre Israël, qui fait à juste titre de ce désarmement un préalable, et les Palestiniens. En somme c’est bel et bien le choix de la politique du pire, qu’ont fait ensemble Netanyahu et Trump.

Que peut-il se passer? N’en doutons pas, la colonisation va reprendre de plus belle en particulier à Jérusalem, ville dont l’Amérique a maintenant reconnu qu’elle appartient à Israël. La solution à deux états, depuis longtemps compromise par la politique suicidaire d’un gouvernement où l’extrême-droite impose ses vues, va devenir tout à fait caduc! L’espoir d’avoir un jour cet Etat que la communauté internationale promet aux palestiniens depuis des décennies va s’envoler, et avec lui la légitimité de ceux qui, comme Mahmoud Abbas, tentent jusqu’ici de contenir l’impatience de leur peuple dans l’attente d’un hypothétique aboutissement du processus de paix. Les extrémistes, intégristes et  terroristes, qui ne veulent pas d’une paix avec Israël en seront renforcés d’autant. Et le gouvernement israélien qui n’aura pas voulu d’une solution à deux Etats, devra gérer un Etat ingouvernable, binational, dans lequel les juifs israéliens devront faire face à une minorité arabe de plus en plus importante, et seront donc inévitablement entraînés plus loin sur la pente de l’apartheid, et de la répression aveugle, pour maintenir leur pouvoir, face à une population qui exigera, sans doute hélas au prix de la violence, la reconnaissance de ses droits.

C’est toujours plus de sang et de larmes que Trump et Netanyahu promettent aujourd’hui par leurs choix aux peuples d’Israël comme des territoires occupés de Palestine, et c’est bien triste…

Le gouvernement face au choc corse

Il est évidemment tentant de faire le parallèle entre la situation en Catalogne et le scrutin régional de dimanche en Corse. L’une comme l’autre nous parlent d’abord de l’incroyable disqualification des partis politiques traditionnels, que les électeurs tentent de renvoyer aux oubliettes de l’histoire, mais aussi de l’attractivité qu’exercent dans ce désarroi politique les mouvements populistes. Jean-Luc Mélenchon, qui n’en est plus à une contradiction près, voit dans ce succès des autonomistes une victoire du “dégagisme”, et se réjouit pêle mêle de la défaite de la droite, des socialistes, et… des candidats insoumis et communistes corses! Apparemment ces derniers figurent au tableau d’honneur des traitres politiques dont le leader insoumis se sent encerclé.

Il reste que c’est bien pour partie une forme de “dégagisme” qui s’est manifestée dans l’élection régionale corse. Comme à la dernière présidentielle, et aux législatives, les partis politiques traditionnels ont payé des années d’incurie, de guerres d’égos, d’incapacité à prouver leur attachement prioritaire au bien public, de combines et de passe-droits. Sur le continent, c’est Macron, arrivé au bon moment au bon endroit, qui a raflé la mise en persuadant une majorité, relative mais réelle, de Français, qu’il pouvait incarner leur soif de changement, être l’artisan de ce renversement des élites installées qu’ils appelaient de leurs vœux.

En Corse, c’est tout naturellement les autonomistes, opposés depuis la nuit des temps, au pouvoir central exercé par ces mêmes élites, qui représentaient l’alternative. Et c’est assez logique. En mettant fin à la lutte armée clandestine contre l’Etat  Français, en mettant sous le boisseau, au moins provisoirement, leurs velléités d’indépendance, mais aussi et surtout en démontrant, depuis qu’ils sont aux affaires locales et régionales, qu’ils sont capables de ramener un peu de dignité dans la vie politique corse, en luttant contre le clientélisme et le clanisme qui ont été longtemps la marque de fabrique de la politique insulaire, les autonomistes ont emporté l’adhésion populaire, même s’il reste encore du chemin à faire sur ce plan. On pourra bien sûr relever l’important taux d’abstention de dimanche (48%). Mais l’écart est tel avec les autres partis en lice, qu’on ne peut leur contester leur victoire.

Au delà du “dégagisme”, ce résultat, qui devrait logiquement être consolidé au second tour, constitue un message clair des électeurs de l’ile au pouvoir central: le chantier de l’autonomie devra être rouvert. Et l’on voit mal comment le gouvernement pourrait se soustraire à cette exigence. Dans la mesure où les nouveaux élus jouent à fond le jeu démocratique et respectent les institutions, comme ils promettent de le faire, le gouvernement ne pourra éviter que soit reposée la question de l’autonomie de la région corse, les Corses ayant beau jeu d’invoquer les statuts plus avantageux dont bénéficient déjà d’autres régions d’Europe.

Dans son pari sur une Europe plus forte, plus intégrée, et plus démocratique, Macron devra donc tenir compte de ce fait régional. Sans oublier que c’est aussi  parce qu’ils étaient incapables de faire naître une véritable envie d’Europe, en particulier chez les jeunes, que les politiques des pays européens ont fini par être déconsidérés et ont ouvert grand la porte aux populismes nationalistes. Que c’est parce qu’ils paraissaient prisonniers d’une bureaucratie bruxelloise sans légitimité, jouant eux-mêmes sur ce registre d’une Europe punitive pour justifier leurs impuissances et leurs manques de courage, que les hommes politiques du continent ont fini par démonétiser à la fois l’idée européenne, et leur propre rôle.

Il va donc falloir mener de front la réhabilitation du rêve européen et la réponse aux aspirations régionalistes, voire nationalistes. Sans faire dans le populisme, mais en écoutant ces voix dissonantes dans le concert national. Et en évitant de se retrouver dans une impasse à la catalane… Aujourd’hui,  à la différence de leurs homologues catalans,  les nationalistes corses eux-mêmes semblent renoncer, temporairement, à leur rêve d’indépendance, pour privilégier un pragmatisme dont ils ont compris qu’il peut les conduire plus loin, plus sûrement, dans la voie d’une meilleure maîtrise locale des enjeux économiques, sociaux et culturels…  Il serait bien absurde de les pousser à se radicaliser à nouveau.