En avoir ou pas !

C’est donc parti pour trois mois de grève perlée. C’est à dire d’une grève paralysant au maximum l’entreprise en minimisant les pertes financières pour les grévistes. C’est une grève doublement illégitime. Primo parce qu’elle utilise une méthode déloyale: deux jours de grève annoncée tous les cinq jours pendant trois mois dans le but de nuire au maximum aux usagers en perdant un minimum de salaire. D’autre part parce qu’elle est absurde. Aucun des motifs avancés n’est une menace réelle pour les salariés concernés: 1) le statut de cheminot sera conservé après la réforme par tous ceux qui en bénéficient aujourd’hui. 2) La privatisation de la SNCF dénoncée par les grévistes n’est pas à l’ordre du jour, elle est exclue par le gouvernement et la direction de la SNCF. 3) Il n’est pas question de fermer les petites lignes. Ce sujet sera traité ultérieurement et fera l’objet de négociations avec les collectivités territoriales.

Pour le reste, c’est à dire l’évolution du statut de la Sncf et la préparation à l’arrivée de la concurrence, déjà actée par le parlement européen; le gouvernement propose de négocier le contenu de la réforme. Et d’ailleurs les syndicats participent aux négociation, tout en préparant leurs trois mois de grève.

La grève est évidemment un droit constitutionnel. En principe son rôle est de permettre de débloquer des situations lorsque la négociation sociale n’est plus possible. Elle est le recours qui permet aux salariés d’imposer la négociation dans l’entreprise. Elle est aussi l’expression du rapport de force entre les organisations syndicales et le patronat. Dans le cas qui nous préoccupe c’est évidemment ce dernier point qui l’emporte. Les syndicats n’attendent rien d’une négociation. Il n’est que voir leurs revendications pour s’en convaincre: maintien du statut en l’état, et renoncement à la mise en concurrence du réseau.

Le premier point est un point de principe. Il ne s’agit pas de défendre un acquis des salariés de la SNCF, puisqu’il n’est pas menacé. Il n’est question que de la défense d’un principe général considéré comme faisant partie du patrimoine syndical. Le statut favorable des agents de la SNCF doit être défendu dans son principe, au delà des intérêts des actuels mandants des syndicats qui ne sont pas menacés, comme un acquis syndical intemporel et intangible.

La seconde revendications est tout simplement impossible. Le parlement européen a voté sur le sujet, les directives européennes ont été émises, la France doit maintenant les faire passer dans le droit français. L’arrivée de la concurrence est inéluctable sauf à dénoncer les accords européens, à l’élaboration desquels les gouvernements français successifs ont participé. La CGT sait donc bien qu’elle ne fera pas reculer l’Europe sur ce point.

Reste ce rapport de force brut. Rien à gagner, rien à perdre! L’objectif est juste de faire mettre le genou à terre à l’adversaire. Et cela vaut évidemment dans les deux sens. En choisissant un recours aux ordonnances qui ne s’imposait pas, le gouvernement a choisi de brandir le chiffon rouge. Délibérément il s’est placé dans l’épreuve de force. Au point qu’aujourd’hui, l’enjeu pour le gouvernement n’est plus le statut du cheminot, ou la transformation du statut de la SNCF, même si ces points ont leur importance…  Le seul enjeu est de faire céder les syndicats.

Et tout cela n’est évidemment pas sain. Le rôle des syndicats est de défendre les intérêts des salariés, celui du gouvernement de négocier avec les différents acteurs de la société le contenu des réformes qui lui paraissent nécessaires dans l’intérêt du pays. Cette séquence ressemble à tout sauf à ça. Et c’est dommage! Réhabiliter la négociation sociale, lui redonner toute sa place comme Emmanuel Macron promettait de la faire, ne peut pas passer par le durcissement systématique des rapports de force. Redonner sa place à la négociation sociale en entreprise ne doit pas passer par l’humiliation des centrales syndicales nationales, mais par leur mise en mouvement. Il était sans doute possible d’entrer en négociation sur l’évolution du transport ferroviaire, sans déclencher immédiatement l’épreuve de force. Possible de chercher des terrains de consensus, avant de se fâcher sur le statut des cheminots, qui reste une réforme nécessaire pour l’avenir. Possible d’avancer sans forcément humilier l’adversaire.

Emmanuel Macron ne fera pas vraiment progresser la société française s’il ne parvient pas à fabriquer du consensus. Du vrai. Pas celui des sondages en ligne à la va vite sur tous les sujets d’actualité, qui peuvent indiquer une semaine que les Français soutiennent les grévistes et la suivante l’inverse. Du consensus parmi les forces sociales et politiques. Du consensus dans le tissu associatif si essentiel à la vie démocratique… Faire passer une réforme par ordonnances, au prétexte qu’on l’avait annoncée dans le programme présidentiel, en s’appuyant sur une loi d’habilitation votée par une majorité acquise à sa cause, n’est pas suffisant!

Pour avancer un pays a besoin de véritables débats politiques, de la recherche de compromis entre forces rivales dans l’intérêt du bien public, de visions partagées du progrès, de véritables négociations avec les syndicats aussi… Bref d’un renouveau de la vie démocratique… Cela aussi, c’était dans le programme de Macron!

 

1 réflexion sur « En avoir ou pas ! »

  1. la Russie a été éduquée par Lénine à traiter les grévistes comme des saboteurs à fusiller en masse. (Références Stéphane COURTOIS -Lénine, l ‘inventeur du totalitarisme- chez Perrin – p:409) « le 29 janvier 1920 , après des grèves de cheminots dans l’ Oural, Lénine télégraphia aux responsables » : « je suis étonné que vous ne procédiez pas à des exécutions massives pour sabotage » que des milliers de gens périssent si nécessaire , mais le pays doit être sauvé » « et la Pravda du 12 février 1920, qui défendait les grévistes sous le tsar , proclamait : » « la meilleur place pour un gréviste , ce moustique jaune et nuisible, c’est le camp de concentration. » « le 20 mars 1920 , le 9° congrès du parti décida la militarisation du travail. » il faudrait faire lire Lénine au camarade Martinez.

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