C’est reparti pour un tour! L’été arrive et avec lui le burkini, ce maillot de bain intégral à l’usage de celles qui veulent se baigner en cachant leur corps. Depuis “l’affaire” de l’été 2016, la question resurgit régulièrement. A l’époque la polémique était partie d’une provocation d’une télévision australienne qui avait “organisé” le refoulement d’une jeune femme porteuse d’un burkini d’une plage de Villeneuve-Loubet, pour démontrer à ses auditeurs le racisme des Français. S’en était suivi une chasse au burkini sur les plages de France, de nombreux maires prenant des arrêtés municipaux pour l’interdire, avant d’être recadrés par les tribunaux. Cette année, le burkini rebondit à la piscine de Grenoble.
C’est un happening aquatique qui relance la machine. Un groupe de 7 jeunes femmes, militantes de l’islam politique, venant se baigner par surprise en burkini pour dénoncer une supposée discrimination à leur encontre. Depuis, la polémique est repartie, et internet résonne de l’écho des anathèmes, injures et excommunications diverses, prononcées par adeptes et ennemis du droit à porter le voile des femmes musulmanes. L’affaire est devenue en quelques heures une question politique majeure, déchaînant la passion de tous. Peut-on interdire à des femmes de se baigner sous prétexte qu’elles ne veulent le faire qu’en cachant leur corps? Doit-on accepter cette intrusion de l’islamisme politique dans nos piscines? Il faut préciser que l’ambiguïté du maire de Grenoble Eric Piolle, confirmant qu’il ferait appliquer le règlement qui interdit le burkini dans les piscines publiques de sa ville, mais précisant qu’il était ouvert à l’autorisation de tenues plus “couvrantes” que le simple maillot de bain, pour protéger la peau du soleil (sic), n’a pas contribué à clarifier le débat.
Liberté de s’habiller à son gré
Si l’on évite la polémique et qu’on essaye de revenir aux valeurs essentielles on peut relever quelques points. Primo au nom du principe de liberté, chacun doit pouvoir se vêtir comme il l’entend dans l’espace public, exception consensuelle étant faite d’une part pour la nudité intégrale, réservée à certaines plages dédiées à cet effet, d’autre part pour les tenues dissimulant le visage, qui sont réprimées par la loi. Les femmes ou hommes, quelles que soient leurs motivations, ont donc la liberté de se baigner habillés sur les plages de France. L’Etat n’a pas vocation a réglementer les tenues vestimentaires.
Mais attention, nous dit-on, certaines femmes ne sont pas libres mais sont contraintes par frères, maris, ou entourage à se couvrir dans la rue comme au bain. Interdire le port de ces tenues, voile ou burkini, serait donc un moyen de lutter contre l’oppression subie par ces femmes. Evidemment, cette pression existe, pour au moins une partie des femmes concernées, c’est une réalité que l’on ne peut nier, et que l’on est évidemment en droit de dénoncer. Mais il n’appartient pas à la société de légiférer dans ce domaine, privé, dès lors qu’il n’existe ni plainte de victimes, ni violences avérées. Que le voile soit une manifestation de l’aliénation des femmes sous prétexte religieux ne fait pas de doute, et le combat de femmes iraniennes pour leur liberté en témoigne. Mais le religieux est et doit rester dans une société laïque une sphère privée, et l’Etat n’a pas à prétendre légiférer sur les religions, fût-ce sur leurs dimensions les plus archaïques et répressives. A l’exception évidemment des violences exercées par les adultes sur les enfants. L’excision rituelle, véritable mutilation exercée par des adultes sur des enfants, est ainsi bannie à juste titre. Et l’on pourrait peut-être traiter à la même enseigne la circoncision rituelle.
La même loi pour tous
Deuxième principe: l’égalité face à la loi. S’il est interdit de se baigner en vêtement couvrant, short par exemple, dans les piscines au nom de l’hygiène, cela doit s’appliquer à tous et toutes sans distinctions d’origine ou de religion. Donc soit on démontre que le port de vêtements dans une eau de baignade commune et non renouvelée (eau de piscine vs eau de mer) ne pose plus, contrairement à ce qui était admis jusqu’ici, aucun problème d’hygiène (grâce aux progrès en matière de désinfectants?), et c’est valable pour tout type de vêtement… soit on en reste là.
Question subsidiaire: la République doit-elle contourner le problème en organisant des séances de baignade spécifiques, réservées à certaines femmes qui se baigneraient habillées sans que cela pose de problème d’hygiène… du fait de leur religion? La réponse est comprise dans la question. Lorsque le maire de Grenoble, écologiste de gauche, demande à l’Etat de s’emparer du problème, il ne fait que se défausser de ses responsabilités. L’Etat n’a pas à organiser des séances de baignade semi-publiques compatibles avec tel ou tel culte religieux, ou décréter un compromis sur certaines tenues plus conformes que d’autres aux règles d’hygiène… morale. Si la piscine est un lieu public, elle est ouverte à tous, avec les mêmes règles, sans prise en compte de considérations religieuses.
Cela dit, le maire de Grenoble et les autres élus ne sont pas débarrassés pour autant du problème. Il y a longtemps que l’on a compris, que la stratégie des islamistes politiques, et de leur bras armé le CCIF (Comité contre l’islamophobie en France), était de créer à intervalle régulier ce type d’incident dans le but de fédérer, communautariser, des musulmans, dont on peut imaginer que la plupart ne souhaitent rien d’autre que vivre est toute tranquillité, dans leur pays, en respectant les règles de la République. On se souvient de cette jeune femme voilée prétendant se faire embaucher comme vendeuse chez Etam, spécialiste du déshabillé et de la lingerie sexy, pour mieux dénoncer ensuite une discrimination à l’embauche… Il est évident que chaque polémique publique engendrée par ce type de provocations renforce la position de ces militants de la religion, qui peuvent trouver dans chaque appel à l’interdiction du voile islamique, dans chaque stigmatisation réelle ou supposée de l’islam, du grain à moudre pour leur chapelle. Pour renforcer un communautarisme religieux, il n’y a évidemment rien de plus efficace que le sentiment de persécution. Pour lutter contre, sans doute pas de meilleure attitude que l’application stricte et sans complaisance de la même loi pour tous sur le territoire de la République laïque.