«Grâce à Eric Zemmour la digue qui devait absolument exister entre la droite de gouvernement et la droite nationale… elle n’existe plus!» C’est un connaisseur, Robert Ménard le maire d’extrême droite de Béziers, qui le dit… et se réjouit. Et c’est un autre connaisseur, le LR Eric Ciotti qui le prouve en annonçant par avance qu’en cas de duel entre Emmanuel Macron et Eric Zemmour, il voterait pour ce dernier! Les avertissements de Jacques Chirac (“Ne composez jamais avec l’extrémisme”) sont maintenant bien loin derrière nous, ou plutôt loin derrière les responsables des Républicains. C’est Gilles Platret, le porte-parole du parti de droite, qui dénonce sur un plateau de télévision “une épuration ethnique” contre “la population d’origine française” dans certains quartiers, et reçoit illico les félicitations publiques d’Eric Zemmour pour ces propos… C’est Christian Jacob, le patron des LR lui-même, qui, estimait il y a deux semaines que le défenseur du régime de Vichy n’était “pas raciste ni d’extrême droite”, ou encore François-Xavier Bellamy, l’ancien tête de liste LR aux élections européennes, qui envisageait de le convier au congrès de désignation du candidat LR pour la présidentielle. La digue est effectivement éventrée. Zemmour leur fait tourner la tête.
Il faut dire que dans ce petit monde politique qui vit et respire au rythme des sondages d’opinion quotidiens, le polémiste télé, condamné à deux reprises pour incitation à la haine raciale, qui veut interdire les prénoms pas de chez nous, réhabiliter Vichy qui aurait “protégé les juifs français”, et bien sûr chasser tous les immigrés, fait voler en éclat leurs certitudes. Jusqu’à passer dans les intentions de vote, devant le candidat de droite, et même la patronne de l’extrême-droite “officielle” Marine le Pen.
Tout cela, c’est de la mousse, serait-on tenté de dire. N’accordons pas plus d’importance aux provocations de ce bateleur raciste et haineux. Les instituts de sondages sont passés experts dans l’art de monter en épingle des phénomènes qui s’avèrent finalement aussi volatils et superficiels que les débats de comptoirs-télé qui les nourrissent. Mais il est bien difficile d’échapper au phénomène tant les médias en font leur miel. Non seulement il est lui-même invité sur tous les plateaux télé, alors qu’il ne s’est pas encore déclaré candidat, mais il n’est pas un homme politique qui puisse échapper dans une interview au questionnement sur le phénomène Zemmour. Il n’y a plus que cela qui compte, au point que sur certains plateaux l’on débat doctement, en se faisant passer pour des historiens, sur le rôle de Pétain pendant l’occupation, question pourtant tranchée depuis belle lurettes par les -vrais- historiens, ou alors l’on s’interroge sur le droit de nos concitoyens à prénommer leurs enfants Mohamed ou Miloud, ou sur la faisabilité d’un exode massif des immigrés vers leurs pays d’origine… Pour les animateurs de polémiques, qui occupent l’antenne à longueur de journées, Zemmour est devenu le référent universel du débat politique. Zemmour par ci, et Zemmour par là… on ne retient qu’un sondage, celui qui l’a placé à la deuxième place dans la course à l’Elysée, en occultant ceux qui sont contradictoires. Une animatrice télé, journaliste de son métier, utilise le nous à l’antenne, en parlant du camp de Zemmour… Lapsus bien sûr: elle voulait sans doute parler du camp de ceux qui ont bien compris que Zemmour fait vendre, qu’il est imbattable pour le buzz, inégalable sur les réseaux sociaux, inattaquable en terme d’audience… Bref, il est pour les médias, le non-candidat candidat idéal à la présidentielle! Donc en quelque sorte, le candidat des médias.
Ecume des choses peut-être, mais danger mortel pour le pays -pour les médias de désinformation en continu et les réseaux sociaux, il est sans doute hélas déjà trop tard! Au moment où l’on croule sous les fausses nouvelles, où les discours complotistes se banalisent, Zemmour et ses aficionados nous imposent sur tous les tons et la plupart des canaux, les discours de haine, banalisent le racisme, la xénophobie, l’homophobie, et toutes les peurs de l’autre, de celui qui est différent… Nous promettant déjà ce qui pourrait être la campagne électorale la plus dégueulasse de la cinquième République.
Alors Zemmour ira-t-il au bout, c’est à dire jusqu’à l’élection? Passera-t-il devant ou derrière le candidat de la droite dite de gouvernement? Affaiblira-t-il un peu, beaucoup, Marine Le Pen? Ces questions, qui agitent apparemment les journalistes, n’ont que peu d’intérêt. Si la campagne devait se résumer à un débat autour du cloaque nauséabond qu’il brasse frénétiquement, on pourrait bien battre une fois de plus tous les records d’abstentions.
Cher Michel,
Tout ce cloaque sent effectivement mauvais.
La désinformation, la recherche forcenée de l’audience (du navrant buzz), l’artificielle construction (hélas, ensuite, bien réelle) de la popularité de telle ou telle personne sont les calamités de notre époque, surtout sur les chaînes privées bien sûr (il faut que ça rapporte).
Il est vraiment devenu nécessaire de fournir des efforts pour trouver des médias dignes de ce nom, c’est une activité essentielle pour toute la population.
Très cordialement.