Et voilà.! Les adhérents des Républicains ont rendu un premier verdict. Xavier Bertrand, celui qui allait de plateau télé en micro pour répéter, sur l’air des lampions, “je suis le seul à pouvoir battre Macron” est disqualifié avant la bataille. Contre toute attente, Eric Ciotti et Valérie Pécresse se disputeront au second tour l’investiture des Républicains. Xavier Bertrand a déjà apporté son soutien à la candidate, mais évidemment les cumuls d’intentions de vote seraient hasardeux dans un scrutin ou manifestement, se joue un peu de l’identité du parti de droite.
On peut être surpris que les adhérents de LR aient choisi d’éliminer Xavier Bertrand que tous les instituts de sondages présentaient comme le candidat de droite le plus crédible. Meilleur que ses concurrents dans toutes les hypothèses au premier tour de la présidentielle. On peut donc penser qu’au delà de l’enjeu présidentiel, ils ont voulu lors de ce premier tour signifier clairement au président de la région Hauts de France, qu’ils ne lui avaient pas pardonné d’avoir quitté le parti avec mépris et arrogance, avant de le réintégrer par intérêt pour tenter d’obtenir sa désignation. Mais si tel est le sens du vote LR -sanctionner la trahison- Valérie Pécresse n’est pas non plus à l’abri d’un rejet du même type au second tour puisqu’elle aussi avait quitté les Républicains en juin 2019, parce ce que son parti était “cadenassé de l’intérieur” et que la rénovation de la droite ne pourrait se faire “qu’à l’extérieur du parti”.
Reste le cas Ciotti. Lui n’a jamais quitté les Républicains, malgré un flirt appuyé avec l’Extrême-droite de Marine Le Pen. Au point qu’il incarne à lui tout seul toute l’ambiguïté de la droite à l’égard des idées xénophobes du Rassemblement National. Et il ne s’agit pas chez lui de dérapages ou de maladresses, il multiplie les déclarations complaisantes pour les idées d’extrême droite de façon délibérée et assumée. “Ce qui nous différencie du RN , c’est notre capacité à gouverner…” affirme-t-il en avril dernier, avant d’ajouter il y a un mois: “entre Macron et Zemmour, je voterais Zemmour”. Et depuis, dans les débats préparatoires à la primaire de la droite, il enfile les perles extrêmes, comme s’il avait compris que c’est sur ce terrain, à l’extrême droite, que se jouerait la victoire à la primaire: abolition du droit du sol, permis à points migratoire, délai de carence pour les allocations familiales, limitation de l’aide médicale d’Etat, création de 100000 places de prison supplémentaires, création d’un Guantanamo à la Française… Le ton de son éventuelle campagne présidentielle est donné: résolument à l’extrême-droite.
Bien sûr Valérie Pécresse promet de son côté une “réforme constitutionnelle” pour une nouvelle politique d’immigration reposant sur des quotas. Et concède volontiers elle aussi qu’il y a “trop d’immigrés en France”! Mais le choix qui est maintenant proposé aux adhérents LR est bien un choix de positionnement de leur parti. Une victoire d’Eric Ciotti correspondrait à un glissement significatif des Républicains vers l’extrême-droite qui ne serait pas sans conséquence.
D’abord sur le parti lui-même. On peut imaginer que de nombreux militants modérés ne se sentiraient plus chez eux, dans un parti de droite qui choisit Le Pen et Zemmour plutôt que Macron, ce qui offrirait un formidable coup de pouce à Edouard Philippe qui tente avec son nouveau parti Horizons de reconstruire une droite républicaine débarrassée de ses ambiguïtés à l’égard de l’extrême-droite. Réduits à un parti d’extrême-droite, Les Républicains auraient bien du mal à survivre à leur propre dérive. Et les conséquences se mesureraient en premier lieu, lors du scrutin présidentiel lui-même. Même en parvenant à grappiller quelques voix d’extrême-droite aujourd’hui promises à Eric Zemmour ou Marine le Pen, les Républicains par leur positionnement extrême ouvriraient un boulevard à Emmanuel Macron, qui n’aurait pas de rival venu de la droite républicaine. Choisir Eric Ciotti reviendrait donc à une forme de suicide politique de la part des adhérents d’un parti qui consacreraient ainsi l’issue du processus de désintégration de la droite initié en 2017.
On en saura plus dans 48 heures, mais en attendant, Xavier Bertrand, Michel Barnier et Philippe Juvin ne sont probablement pas les seuls perdant de cette primaire.