“Résilience” et assurance tous risques

“Résilience: Aptitude d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques(Larousse). Par exemple… en temps de guerre!

Mercredi, Jean Castex présentait donc son “Plan résilience”, en réponse à la guerre qui martyrise l’Ukraine. Comme promis par le président de la République, il y en avait pour tout le monde. Et une ristourne sur le litre de gazole pour camionneurs, pêcheurs et agriculteurs! Et une prise en charge d’une partie de la facture de dépenses énergétiques pour les autres entreprises  dont les dépenses de gaz et d’électricité représentent “au moins 3% du chiffre d’affaires, et qui pourraient faire des pertes sur 2022”! Et une aide aux agriculteurs pour acheter des engrais! Et une remise en route des mesures de chomage partiel, et une prolongation des prêts garantis par l’Etat, et un nouveau report de charge pour les entreprises en difficultés… Les Ukrainiens sont rassurés!

Dessin paru dans Politis

Bon, d’accord! C’est le rôle de l’Etat d’aider les entreprises qui souffrent des conséquences du conflit en Ukraine, et des mesures de rétorsion économique, tout à fait légitimes, appliquées à l’encontre de la Russie de Poutine. Comme pour la pandémie, on va chercher à réduire au minimum l’impact économique et social sur notre économie. C’est logique. Une nouvelle version du “quoi qu’il en coûte”. Et les médias ne s’y sont pas trompés qui ont ressorti le fichier des bons clients à interviewer dans ce cas de figure. “A votre avis le gouvernement en fait assez?”… “Et qu’attendiez vous de plus?”… “Et cela n’empêchera pas les faillites?”… Le micro-trottoir était déjà réglé, sur la position “insuffisant, trop tôt ou trop tard, à côté de la plaque”. Les réponses attendues et déjà inventoriées, au moment du confinement, puis actualisées avec le pass sanitaire… Bref, cette guerre va vraiment être terrible… pour les Français! Il faut vraiment faire quelque chose, sinon c’est toujours les mêmes qui vont se faire avoir… Que faire? Par exemple… bloquer les dépôts de carburants (?) comme l’ont entrepris les transporteurs ces derniers jours… Sans même bien sûr prendre en compte ceux qui alarment contre l’afflux de réfugiés qui va nous tomber dessus… certes plus acceptables en raison de la couleur de peau que les “déferlantes” habituelles, mais qu’il conviendrait de limiter voire de cantonner aux pays limitrophes de l’Ukraine, comme l’ont demandé Eric Zemmour ou Valérie Pécresse (qui depuis a honte et nie l’avoir suggéré!).

Jeudi, dans les journaux radio, on enchaînait sans transition ou presque la complainte d’une mère égarée dans la neige à Marioupol qui n’avait pu retrouver son mari sous les décombres et venait de s’évader avec ses enfants du théâtre-abri de la ville, lâchement bombardé par l’armée de Poutine… et les lamentations d’un syndicaliste des transports annonçant une reprise du blocage de dépôts pétroliers si le gouvernement ne faisait pas plus pour sa profession mise en danger par la hausse du prix du gazole.

Mais tout de même! Quel manque de pudeur, quelle indécence, quel égoïsme… N’aurait-on pu déjà éviter de parler de “résilience” -les mots ont un poids- concernant les conséquences financières, toutes relatives jusqu’ici , sur notre économie, de cette guerre qui est en train d’anéantir une nation et un peuple? Ne pourrait-on attendre un peu de retenue de la part des veinards que nous sommes, sûrs de notre bien-être, malgré des inégalités souvent inacceptables, sûrs de nos libertés, et pour l’instant du moins, hors de portée de la folie meurtrière du criminel de guerre moscovite? Les syndicats n’auraient-ils pu, ce jeudi, par décence, reporter leur mot d’ordre de défilés pour la revalorisation générale des salaires, ou les transformer en manifestation de solidarité avec les travailleurs ukrainiens qui sont en train de tout perdre, jusqu’au simple droit de vivre?

Les crises sont des révélateurs. Celle-ci, comme avant elle la crise sanitaire, est l’occasion d’une démonstration de l’individualisme et de l’égoïsme ambiants. Et de l’addiction aux aides de l’Etat. Ce sont souvent les mêmes qui se plaignent de l’omniprésence de l’Etat, de l’assommoir fiscal, du poids des charges sociales, de l’interventionnisme administratif… qui réclament le plus vigoureusement de lui une assurance tous risques, dès qu’arrive un orage. Hier les restaurateurs, et les commerçants, et autres, touchés par les mesures anti-covid, aujourd’hui les transporteurs, les infirmiers libéraux, et les agriculteurs, et tous ceux qui roulent en voiture, et ceux qui commercent avec la Russie… C’est un peu cela qui finira par ruiner notre “modèle social”: la revendication par chacun de “toujours plus de solidarité”… des autres!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *