Le Parti socialiste survivra-t-il à cette année 2022? Pas facile à dire aujourd’hui. Mais après avoir connu 1) le fiasco de Benoît Hamon en 2017 (6,36% à la présidentielle… et puis s’en va ailleurs fonder son parti concurrent) 2) le mauvais aiguillage des européennes 2019 avec une tête de liste, Raphaël Glucksmann, venue d’ailleurs, (6,31%) 3) une élue locale -de Paris, il est vrai- persuadée d’avoir la taille présidentielle en 2022 (1,75%), le Parti socialiste semble bien capable, sous la houlette éclairée d’Olivier Faure, de finir de se saborder avant l’été, en se fondant pour les législatives dans une liste de gauche emmenée par Jean-Luc Mélenchon.
Le dernier à s’en rendre compte n’est pas son prédécesseur, Jean-Christophe Cambadélis, qui l’accuse de conduire leur parti à une véritable reddition sous le joug de Jean-Louis Mélenchon et sa France Insoumise. Un avis largement partagé par l’ancien président François Hollande qui ne mâche pas non plus ses mots et estime que cet accord, voulu par la direction actuelle du PS «ne se fera pas».
Alors, bien sûr pour relativiser ces critiques venues du sérail, on doit quand même rappeler que Jean-Christophe Cambadélis premier secrétaire du parti de 2014 à 2017 fut incapable de maintenir la cohésion du parti, et ne parvint pas à empêcher les “frondeurs” de saborder le quinquennat de François Hollande. Rappeler aussi que François Hollande qui s’indigne aujourd’hui de la décomposition du mouvement dont il fut lui aussi premier secrétaire pendant 10 ans, jusqu’en 2008, avant d’emporter la présidentielle de 2012, a conduit son parti dans un état tel -alors même que les socialistes détenaient alors tous les pouvoirs, présidence de la République, majorité à l’Assemblée nationale et au sénat, Mairie des grandes agglomérations- qu’il n’osa même pas se présenter à sa propre succession en 2017. Olivier Faure aurait beau jeu de leur rétorquer que le parti dont il a hérité en 2017 était déjà bien moribond.
Mais tout de même, on peut s’étonner de l’empressement de celui-ci à répondre favorablement aux injonctions de la France Insoumise, et de sa précipitation à négocier quelques strapontins sur une liste de campagne législative dont l’affiche, déjà imprimée, annonce: “Jean-Luc Mélenchon premier ministre”! Le patron de la France Insoumise n’a pas fait dans la délicatesse. En annonçant qu’une liste d’union ne pourrait se faire que sur la base de son programme, dans les proportions des résultats de la présidentielle -c’est à dire du 1 contre 10 pour le Parti socialiste- et uniquement sous son appellation “Union Populaire”, il a invité ses éventuels partenaires à venir à Canossa. Frustré d’avoir une troisième fois échoué au premier tour de la présidentielle, il a voulu manifestement humilier ceux qui par leur présence à gauche l’ont empêché de vaincre: socialistes, communistes et écologistes.
Notons d’abord que ce calcul pourrait s’avérer contreproductif. Même si les responsables politiques des partis en question acceptent in fine l’humiliation pour sauver ce qui peut l’être de leur grandeur passée, leurs électeurs risquent en revanche de le prendre différemment, et de ne pas suivre les consignes de votes le doigt sur la couture du pantalon, s’ils les jugent humiliantes ou contraires à leurs convictions. Et au delà de l’humiliation elle-même, ou du faible rapport en siège que propose la France Insoumise à ses éventuels alliés – «37 sièges, même pas de quoi avoir un financement public» gronde Cambadélis- il y a évidemment quelques problèmes de fond, de convictions.
Primo, l’Europe. Les Insoumis ont inventé un concept: la désobéissance européenne. En gros on ne respecte que les accords européens qui conviennent à Mélenchon, et on renégocie les autres. Comment? Il “suffira” dans ce cas de convaincre les 26 autres membres de revenir eux-aussi sur leur signature. On peut déjà deviner l’issue du processus: une mise en retrait de l’Union européenne. Idem pour l’Otan, l’obsession anti-américaine de Mélenchon conduirait inévitablement, dans le cas où LFI serait aux commandes, à une sortie de l’Otan au profit d’un rapprochement avec la Russie de Poutine, auquel on aurait entre temps abandonné l’Ukraine à qui l’on retirerait les moyens de se défendre, voire la Moldavie.
Deuxio, les institutions. La France Insoumise nous annonce l’avènement de la VIème République avec son Référendum d’initiative citoyenne, nous explique par la voix d’Alexis Corbières que le choix du Premier ministre par le président élu au suffrage universel, comme le prévoit la constitution, est le “fait du prince”. Quant à Clémentine Autain, députée LFI, elles nous annonce que si on ne parvient pas à prendre le pouvoir dans les urnes aux législatives, comme prévu, « on ira le chercher dans la rue! » On est là bien loin du programme d’Anne Hidalgo.
Ajoutons les promesses économiques de la France Insoumise, et leur coût exorbitant selon les estimations financières de l’Institut Montaigne (plus de 200 milliards d’euros), le retour à la retraite à 60 ans à rebours des politiques menées par tous les pays développés, l’annonce de l’annulation d’une partie de la dette… Qu’importent toutes ces divergences entre les programmes des deux partis… la direction du Parti socialiste amenée par Olivier Faure semble prête à tout pour parvenir à un accord. Jusqu’à la précipitation! Ce vendredi la direction du PS a réussi en 3 heures de temps à annoncer un accord avec les Insoumis puis à infirmer cet accord, en précisant que les négociations n’étaient pas terminées… Avant de préciser dans la foulée que les négociations étaient suspendues faute de garanties sur l’absence de visées hégémoniques de la France Insoumise.
Il faut dire que Olivier Faure peine à faire le consensus autour de lui. Les “éléphants”, comme on appelle les poids lourds du PS, sont vent debout, ou mutiques. Carole Delga la puissante patronne de la région Occitanie a présenté ses candidats PS dans le Tarn, sans attendre un accord national, et en citant Pierre Mendes-France: « La morale en politique interdit que stratégie et convictions divergent, fut ce pour des motifs d’opportunité transitoire »… Avant d’y ajouter une sentence de son cru: « J’ai vendu des salades au marché pour payer mes études… à mes concitoyens je ne vends pas de salades »